Note de lecture

Rédigée par Laurence Walbrou

Adelaïde Hautval, Médecine et crimes contre l’humanité, Paris, Éditions Le Félin, 2006, Collection « Résistance, Liberté, Mémoire ».

Et si la conduite éthique d’une personne ne variait pas en fonction des circonstances, du « contexte » ? si elle était inconditionnelle? Même lorsque sa propre vie est mise en danger, et que les événements les plus tragiques risquent de mettre à mal les valeurs premières et de les dissoudre …
Le docteur Adelaïde Hautval, fille de pasteur alsacien entrée en médecine comme on entre en religion, ne sut jamais proclamer autre chose que ses propres vérités fondamentales au service de l’Humain, et d’abord solidarité avec le faible et le persécuté.


Elle prend la défense d’une famille juive maltraitée sous ses yeux sur le quai d’une gare. Une seule phrase, affirmée en allemand, droit dans les yeux d’un officier va la conduire en prison. Jamais personne n’obtiendra sa rétractation : pourrait-elle en effet se renier elle-même ? « Les Juifs sont des gens comme les autres ».
Condamnée à partager leur sort pour avoir clamé cette vérité simple, celle qui se voit surnommée « l’amie des Juifs » accompagne à Pithiviers et Beaune la Rolande les familles, désemparées et privées du nécessaire. Six mois plus tard, le docteur Hautval arrive sur la funeste rampe d’Auschwitz en même temps que 230 autres détenues politiques. L’enfer s’ouvre.
Affectée au bloc des expérimentations humaines, elle soigne de son mieux les malheureuses « sélectionnées » de Mengele et Clauberg, jusqu’au jour où les tortionnaires exigent sa collaboration active.
Jamais « Haidi », inébranlable, n’acceptera de se soumettre à cet ordre malgré la certitude d’une exécution qu’elle attend, renvoyée dans son bloc. Mais la mort l’épargne…


Longtemps silencieuse sur son expérience des camps, sans doute privée de mots face aux scènes insoutenables qui la hanteront toujours, elle accepte pourtant, quarante ans plus tard, de proposer au public ses carnets de déportée, jusqu’alors jamais relus ni remaniés. Les temps de folie guerrière, le retour du négationnisme, les stupéfiantes mesures de clémence dont bénéficient en Allemagne les anciens criminels nazis poussent le docteur Hautval à témoigner et publier ce document pour la Mémoire, souvent insoutenable de réalisme, pour que l’Impensable ne soit plus jamais nié.

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