Traces et mémoire
Voyage dans la Roumanie juive (I)

Avant la Shoah

par Tamara Andrucovici

Lya BENJAMIN (Sous la direction de), Evreii din România în texte istoriografice/ Les Juifs de Roumanie dans les textes historiographiques, Bucarest, 2002.

La population roumaine israélite s’élevait à environ 800 000 âmes entre la Première et la Seconde Guerre mondiale. Il s’agissait de la troisième communauté la plus importante après celles de Pologne et de Russie.
La vie des Juifs de la Diaspora s’est tenue à l’écart des querelles de territoire et des guerres de conquête. On peut dire que l’histoire juive, ce n’est pas, selon la formule de Lya Benjamin, « la Grande Histoire mais l’histoire de la vie quotidienne avec toute ses implications économiques, sociales, culturelles et cultuelles ; une histoire du martyre et des restrictions, des exclusions mais aussi des intégrations et des activités créatrices sur tous les plans de la vie économique, sociale, culturelle et politique ».
À défaut d’une grande synthèse déroulant l’histoire des Juifs en Roumanie, plusieurs monographies ont été rédigées tardivement (à partir des années 1990) sur différentes communautés juives de Roumanie. Elles collectent des informations, relèvent des traces et ainsi constituent un matériel exhaustif, peu ou prou austère. Nous avons glané dans ces données factuelles ce qui illustre au mieux la vie juive, au-delà des aspects purement quantitatifs, économiques et numéraires (par ailleurs précieux pour les chercheurs !).

Un espace hétérogène

Teșu SOLOMOVICI
O istorie altfel altfel a evreilor din România. 2000 de ani de existență/Une histoire des Juifs de Roumanie, autrement : 2000 ans d’existence, Bucarest, 2015.

România judaica : O istorie neconvențională a evreilor din Românian : 2000 de ani de existență continuă/ Romania judaïca : une histoire non-conventionnelle des Juifs de Roumanie : 2000 ans d’existence continue, Bucarest, 2001.

Neagu DJUVARA
O scurtă istorie a românilor povestită celor tineri / Une brève histoire des Roumains racontée aux jeunes, Bucarest, 2000.

Les États nationaux sur la carte de l’Europe Centrale d’après la Première Guerre Mondiale sont issus du partage des anciens empires (russe, austro-hongrois). La Roumanie que nous connaissons aujourd’hui représente partiellement le résultat de la Grande Union du 1er décembre 1918, à Alba Iulia.
La Roumanie n’existe comme « État national roumain » que tardivement. Les provinces rendues à la Roumanie après la première Guerre Mondiale appartenaient auparavant à des empires limitrophes (la Transylvanie, annexée par l’Autriche-Hongrie ; la Bessarabie par la Russie) qui avaient tenté d’imposer leurs langue et traditions. L’actuelle Roumanie résulte donc d’un mélange de populations installées successivement sur ce territoire au cours des siècles et ce, depuis la conquête romaine.
Pour comprendre la situation des communautés juives en Roumanie, il importe donc de les situer dans l’ensemble humain disparate où elles prennent place. Les Balkans constituent, en effet, un espace hétérogène que l’on ne rencontre nulle part ailleurs, en Europe. Certes la forme de l’État-nation moderne oblige à accorder des droits à ces minorités ethniques — mais c’est une tâche délicate pour ces jeunes États en raison de la très grande diversité des populations résidant sur leurs territoires.
La formation d’un État national roumain sur le territoire carpatique suscitait d’épineux problèmes car « un citoyen sur quatre n’était pas d’origine ethnique roumaine ». Ainsi, doivent coexister au sein d’une même entité, à côté des Roumains proprement dits, Juifs, Magyars, Ukrainiens, Allemands, Turcs, Lipovènes, Tatars, Serbes, Slovaques, Bulgares, Grecs, Tchèques, Arméniens…
On comprend alors que cette jeune nation ait eu le plus grand mal à s’unifier, à donner à chaque « minorité ethnique » sa juste place. Pour consolider l’unité nationale, elle a fait le choix d’une politique d’assimilation, en imposant, par exemple, une unique langue nationale au détriment des langues ethniques pour consolider l’unité nationale. Ainsi, les Goths, les Huns, les Slaves, les Avares, les Coumans, les Daces devinrent les seuls « ancêtres » d’un peuple nouveau qui s’organisera entre les Carpates, les monts Balkans et la Mer Noire, et qui se désignera comme « roumain ».
Dès lors, les groupes ethniques minoritaires ne se sentaient pas concernés par les décisions prises au sommet de l’État. Autrement dit, pour ces groupes, les nouveaux États nationaux n’étaient pas une nécessité historique, encore moins économique ou sociale.
Le territoire qu’englobe le nouvel État moderne est constitué de principautés (rarement unifiées). Le statut des communautés juives (les privilèges accordés, les restrictions imposées, la vie quotidienne) est influencé par les différentes législations propres à chaque Principauté et par conséquent sujet à variations.
Teșu Solomovici insiste sur l’aspect « non-conventionnel » de l’histoire des relations entre Juifs et Roumains, selon les paroles du sage concernant le travail de l’historien : « qu’il n’ose ni soutenir le contraire de la vérité, ni occulter la vérité ». Il convoque les témoignages d’intellectuels résolument philosémites qui tranchent sur l’antisémite virulent qui persiste dans la société roumaine ; Alexandru Macedonski affirme que « leur langue est la langue roumaine. Le ciel sous lequel ils sont nés et le Ciel de notre pays. Leurs parents, leurs aïeux vécurent et mirent au monde leurs enfants ici ; ils ne font qu’un avec le pays. Le véritable danger consiste à les exclure de la vie de la nation. Les Juifs constituent une force morale. On peut dire qu’être antisémite, c’est ne pas être patriote ». Adoptant une perspective chrétienne, Tudor Arghezi affirmera : « Les Juifs ont offert au monde le Rédempteur ; c’est Dieu Lui-Même, qu’ils ont offert ». Nicolae, Métropolite du Banat, rappelle que « les débuts du christianisme sont liés à la Synagogue et que selon la parole de l’Évangile : ‘le Salut vient des Juifs’. ».

(Fig. c. La répartition de la population juive par localité en 1899, Carol Iancu)

Une présence juive très ancienne…

Dans l’Antiquité

Carol BLUM, « Despre anticele colonii evreiești din Pontul Euxin. Activitatea apostolului Andrei / À propos des colonies juives antiques dans le Pont Euxin. L’activité de l’apôtre André », in Evreii din România în textele historiografice/Les Juifs de Roumanie dans les textes historiographiques, Bucarest, 2002.

On rencontre dès le Ier siècle ap. J.-C. des populations juives sur le territoire de la Dacie. Et le fameux géographe Strabon lui-même d’affirmer que les « Juifs avaient pénétré dans toutes les villes » et qu’ « il était difficile de trouver, dans le monde entier, un endroit où ce peuple n’eût été reçu » !
Teșu Solomovici affirme même que cette présence est antérieure à la destruction du Temple et remonterait à 720 avant notre ère, puis à 586 avant notre ère. L’histoire de Saint André et sa présence parmi les colonies du Pont Euxin se révèle d’une grande importance pour l’histoire des premiers Juifs installés sur le territoire daco-romain. Blum présume que l’apostolat d’André le mena en Scythie Mineure – actuelle Dobroudja -, puis vers Sinope où était implantée une colonie juive, enfin sur tout le littoral de la Mer Noire (dans les cités de Panticapaeum, Olbia, Tyras, Histria, Tomis, Kallatis, Odessos ainsi que d’autres villes de Thrace et Macédoine). Blum suit également l’Évangile selon Matthieu qui insiste sur l’envoi des apôtres d’abord vers « les brebis perdues de la maison d’Israël » plutôt que vers les nations païennes (Matthieu 10 : 5-6). Il déduit la présence de communautés juives hellénisées « au temps de Néron mais probablement bien avant » sur le territoire de la Dobroudja. Cette présence juive est également attestée par une lettre adressée à l’empereur Caligula par le roi Hérode Agrippa, qui énumère toutes ces contrées habitées par des communautés juives, conservée dans le Legatio ad Cajum de Philon d’Alexandrie.
Une légende raconte que l’empereur Vespasien aurait expulsé quelques centaines de Juifs de Palestine, sur trois navires laissés à la dérive en Méditerranée. L’un accosta en Espagne, l’autre en France, le troisième à Lappanda. Certains historiens estiment que le pays Lappanda n’est autre que le territoire où se situe l’actuelle Roumanie.
La Dacie de Decebal, à l’époque de l’Empire Romain, constitua progressivement une puissance économico-militaire désireuse de faire fructifier le commerce et faisant appel à des marchands, médecins, traducteur juifs (connaisseurs de grec et latin). Solomovici affirme que Decebal aurait envoyé à Rome deux messagers juifs afin de discuter avec Trajan les conditions de paix. On raconte également que Decebal aurait dépêché deux Juifs à Jérusalem, afin de coordonner une « révolte commune des Daces et des Juifs contre Rome ».
Solomovici envisage que les Juifs « étaient en affaire autour des mines d’or de Dacie, alimentant financièrement les révoltes contre les Romains ». Et de poursuivre : « je suis séduit par cette hypothèse d’une possible ingérence pécuniaire juive dans la révolte des Daces contre Rome. Et je me dis avec satisfaction : voilà comment certains Juifs, riches, ont misé de manière suicidaire sur les perdants, sans se préoccuper du gain, mais seulement avec le désir de rendre à Rome, l’ennemi commun, la monnaie de sa pièce ! ».

Enfin, on peut ajouter quelques trouvailles archéologiques qui signaleraient des échanges avec la Judée : on a découvert différentes monnaies juives antiques à Orșova (sud-ouest de la Roumanie) : l’une porte l’inscription « Iudaea Capta » (Judée Conquise), datant du règne de Vespasien . La seconde, date de la révolte de Bar Kochba ; l’avers représente le Temple rebâtit et les inscriptions « le salut de Jérusalem« .

Pièce de monnaie battue au temps de Vespasien : La Judée conquise.
Pièce battue en Judée,à l’époque de Bar Kochba

Le Moyen-Âge et les conséquences de la chute (présumée) du Royaume Khazar

– Silviu SANIE, Dăinuire prin piatră : monumentele cimitirului medieval evreiesc de la Siret / Pérennité de la pierre : les monuments du cimetière médiéval juif de Siret, Bucarest, 2000.

Les communautés juives des rivages du Dniestr (nord de la Moldavie) du Danube et de la Tisza ne connaissent pas de bouleversement démographique jusqu’au Xème – XIème siècles.
L’historien Silviu Sanie de l’Institut d’Archéologie de Iași « signale la présence des Juifs, au Moyen-Âge, dans l’espace historique de la Roumanie à partir du XIIème siècle, dans la colonie génoise des rivages du Dniestr ». Solomovici de faire cette supposition – bien que nombre d’historiens du judaïsme contestent jusqu’à l’existence même du royaume Khazar : « ce n’est qu’après la chute du royaume Khazar que des masses de populations juives migrèrent vers l’Ouest et s’installèrent dans ces territoires désertiques ou en marge des villages et des cités roumaines ».

On trouverait ainsi des allusions aux communautés juives des Carpates et du Danube dans les commentaires de Rachi ; dans son commentaire du Traité Yoma du Talmud de Babylone, il écrit : « il existe un pays entouré de montagnes et de forêts, sur plusieurs miles, la seule issue chemine par des endroits sinueux comme le Pays Hagar ». Ce pays ne serait autre que la Transylvanie.

Lors de ses pérégrinations, le Rabbi Benjamin de Tudèle fait halte dans « le pays Esklavoniah où vivaient les Valaques ». Il rencontre des Juifs sur le territoire carpato-danubien : « ils sont guidés par le Rabbi Salomon et le Rabbi Jacob et vivent près des montagnes valaques, se désignant eux-mêmes comme valaques ; ils sont aussi vifs que des cerfs ».

Deux branches du judaïsme convergent entre les Carpates et le Danube, sur l’actuel territoire roumain : les Séfarades et les Ashkénazes. Pour les premiers, beaucoup ont été chassés de l’Ouest de l’Europe – Espagne, France, Angleterre, Hollande, accusés notamment d’être responsables de la peste noire qui décima l’Europe en 1348-. Pour les seconds, ils ont été bannis de Russie, d’Ukraine, de Byzance, de Pologne. Solomovici considère que la rencontre et la cohabitation de ces deux courants va contribuer à « l’intégration inhabituelle du monde mosaïque dans le monde chrétien orthodoxe grâce à la tolérance réciproque et les accointances spirituelles extraordinaires entre juifs et roumains ». Il va même déclarer que les pays roumains furent « une oasis salutaire pour les Juifs ».

En 1320, écrit Solomovici, « le Pays Roumain » (c’est-à-dire la Valachie) devient une réalité, tandis que la Moldavie était déjà fondée dans les années 1353. Cela correspond également à la naissance de la principauté de Transylvanie ».

Les pays roumains à l’époque de Mircea l’Ancien (1355-1418), l’un des plus importants souverains de Valachie. On observe au Nord la Moldavie, au Sud la Valachie -Țara Românească-, à l’Ouest la Transylvanie -Ardealul-.

À partir de la fin du Moyen-Âge, la présence de communautés juives organisées dans les Principautés Roumaines (Moldavie, Valachie, Transylvanie) est clairement attestée par la présence de cimetières juifs, puis de synagogues. Au début du XVème siècle, on trouve une synagogue en bois, dans la ville de Roman, à l’emplacement de l’actuelle synagogue centrale. Tandis qu’il s’en allait combattre, Alexandre le Bon enjoignit les Juifs de Roman de prier pour sa victoire et assista en personne à la prière, dans la synagogue. Après sa victoire, le souverain exempta les juifs de Roman de taxes durant trois ans. Cette synagogue était également connue pour avoir abrité une Torah polonaise, achetée grâce au don du souverain Bogdan Vodă -fils d’Étienne le Grand – ( désignée comme Torah de Bogdan Vodă), qui avait visité les lieux. Chaque communauté disposait de plusieurs synagogues, avoisinant un bète hamidrache/maison de prière, sous la conduite d’un ou deux gabaïme/gestionnaires. « Depuis les temps anciens, on pouvait construire des synagogues en quelque lieu que ce soit, mais seulement avec l’assentiment du souverain. Son accord concernait tant l’érection des synagogues que leur reconstruction lorsque c’était nécessaire, hormis les réparations mineures qui pouvaient être effectuées sans aucune forme de consentement. Avant la fin du XIIème siècle et le début du XVIIIème siècle, elles pouvaient être bâties en pierre, mais plus tard, cela fut interdit. Et le Prince Cantemir de nous dire : ‘et là où ils le souhaitent, ils peuvent ériger une synagogue, mais seulement en bois, et non en pierre’. Malgré tout, au début du XIXème siècle, les souverains sont revenus à de meilleurs sentiments et pour la reconstruction de la synagogue de Neamț, on permit à la communauté d’utiliser des briques ».

Synagogue de Lugoj / Photographie Tamara Andrucovici

Les pierres vivantes témoignent des âmes ayant peuplé ces confins, comme le suggère un kérygme prophétique : « C’est pourquoi ainsi parle le Seigneur, l’Éternel : Voici, j’ai mis pour fondement en Sion une pierre, une pierre éprouvée, une pierre angulaire de prix, solidement posée ; Celui qui la prendra pour appui n’aura point hâte de fuir ».

Pierres tombales /Valea-Orlii, près de BucovValachie

Le Dr. Israël Șapira, découvre les traces d’un cimetière juif disparu , « témoignage secret d’un passé existant. À l’intérieur de l’église en bois de Valea-Orlii, près de Bucov (Valachie), on découvre dix pierres tombales munies d’inscriptions hébraïques, agencées entre l’escalier et le sol du parvis de l’église. Les anciens du village affirment que ces pierres formaient le plancher de l’église ; quant à l’existence des inscriptions, elle fut découverte à l’occasion de rénovations, tandis que de nombreuses pierres périrent sous le marteau vandale des ouvriers ignorants ; le reste des pierres fut conservé avec les inscriptions vers le haut, pour permettre de déchiffrer l’énigme dissimulée par ces caractères inconnus ».

 

La pierre de Psantir

Mais c’est Iacov Psantir (historien du passé juif en Roumanie et collecteur de nombreuses inscriptions funéraires) qui mentionne la vie des Juifs à Bacău « deux cents ans auparavant » Dans une autre étude datant de 1871, il affirme avoir trouvé dans le cimetière une pierre tombale de 1704, ce qui implique la présence d’une communauté environ une cinquantaine d’années plus tôt). Entre 1936 et 1946, des fouilles dans ce cimetière permirent à Ițic Șvarț de retrouver la fameuse pierre de Psantir, précisant qu’elle n’était certainement pas la plus ancienne du cimetière et qu’au XVIIIème siècle, une communauté juive nombreuse était ancrée à Bacău. Elle appartenait à « un homme de bonnes mœurs, Aharon, fils du défunt Iosef, décédé le 29 Yiar, inhumé le 15 Sivane de l’an [5]464 ». Il subsiste une énigme : compte tenu des exigences rituelles juives, comment justifier le laps de temps entre le moment de la mort et l’inhumation ? Kara conclut que le défunt avait probablement dû être transporté dans le cimetière juif le plus proche : celui de Bacău.

Solomovici note que « l’histoire médiévale des Juifs de Roumanie débute avec leur exode et leur installation dans les régions du Dniestr et de la Tisza. L’histoire moderne des Juifs de Roumanie débute avec l’idée d’émancipation, leurs efforts d’être acceptés et de se voir octroyer des droits par la société roumaine ».

L’entrée dans la nation

– Carol IANCU, Les juifs en Roumanie, 1919-1938 : de l’émancipation à la marginalisation, Paris-Louvain, Peeters, 1996, Collection « La Revue des Études juives ».

– Iosef KAUFMANN, Evrei luptători în revoluțiunea românilor din anul 1848 sau o pagină din istoria evreilor români /Les combattants juifs dans la révolution des roumains de l’année 1848, ou une page de l’histoire des juifs de Roumanie in Evreii din România în textele historiografice/Les Juifs de Roumanie dans les textes historiographiques, Bucarest, 2002.

– Moses GASTER, Evreii în Craiova și Târgoviște pe la 1657/ Les Juifs de Craiova et de Târgoviște vers 1657 in Evreii din România în textele historiografice/Les Juifs de Roumanie dans les textes historiographiques, Bucarest, 2002.

– Elias SCHWARZFELD

Așezămintele evreilor din Moldova în veacul al XVIII[-LEA] și jumătatea veacului al XIX[-LEA]/ Dispositions des juifs de Moldavie au XVIII e siècle et au début du XIX e siècle « , in Evreii din România în textele historiografice/Les juifs de Roumanie dans les textes historiographiques, Bucarest, 2002.

Din Istoria evreilor. Împopularea, reîmpopularea și  întemeierea târgurilor și a târgușoarelor în Moldova/ De l’histoire des Juifs, population, repopulation des petites et très petites localités de Moldavie , in Evreii din România în textele historiografice/Les Juifs de Roumanie dans les textes historiographiques, Bucarest, 2002.`

– Moses SCHWARZFELD, Excursiuni critice asupra istoriei evreilor din România, de la început până la mijlocul acestui veac/ Excursus critiques concernant l’histoire des Juifs de Roumanie du début jusqu’au milieu de ce siècle [XIXème], in Evreii din România în textele historiografice/Les Juifs de Roumanie dans les textes historiographique, Bucarest, 2002.

« Les Juifs, dont les origines remontent très haut dans l’histoire du pays, connaissent une remarquable poussée démographique à la fin du XVIIIème et dans la première moitié du XIX ème siècle, favorisée par une immigration de Galicie et de Russie. Ils jouent un rôle économique important, notamment dans la création en Moldavie de petites localités qui assuraient une fonction d’échanges dans une société essentiellement agraire composée de paysans et d’un nombre restreint de grands propriétaires ». Les Juifs sont considérés comme des intermédiaires entre ces deux populations ; leur rôle dans l’économie et les échanges devient de plus en plus important.

Parallèlement, on assiste à « un éveil nationaliste roumain » dès le XIXème siècle. La Révolution de 1848 (à laquelle les Juifs roumains, patriotes, contribuèrent activement) instaure un gouvernement provisoire qui émet « la Proclamation d’Islaz« , prévoyant dans son article 21 : « l’émancipation des israélites» et promettant « des droits politiques pour tous compatriotes d’autres croyances » . Mais en vain, car la Révolution fut réprimée par les puissances russes et ottomanes.

Alexandru Ion Cuza, grand réformateur et personnage-clé de la renaissance culturelle roumaine est favorable à l’intégration des Juifs dans la nation et à leur émancipation. Il réalise une première union de la Moldavie et de la Valachie en un seul État, en 1859 et promet qu’en « 1864, les Israélites roumains jouiront de différents droits » ; il ajoute : « j’ai voulu tout donner, mais ça n’a pas été possible. Vous bénéficierez progressivement d’une émancipation ».

Alexandre Jean Cuza

Les Juifs roumains avaient pris une part active à la Révolution de 1848, à l’Union de 1859, à la guerre de 1877 pour l’indépendance. « Recrutés dans l’armée roumaine comme habitants du pays », 888 soldats reçurent la citoyenneté roumaine, lors des Guerres Balkaniques et 23 000 soldats durant « La Guerre pour l’union du pays » de 1916 à 1919. Entre 1879 et 1900, seulement 85 juifs avaient obtenu la citoyenneté roumaine. Le patriotisme des Juifs à l’égard de la nation roumaine ne s’est jamais démenti.

Iași, foyer du judaïsme roumain

– Iehuda BARASCH, Evreii din Moldova și Valahia/ Les juifs de Moldavie et Valachie , in Evreii din România în textele historiografice/ Les Juifs de Roumanie dans les textes historiographiques, Bucarest, 2002.

– Iacob NIEMIROWER, Ochire asupra istoriei comunității israelite din Iași/ Un coup d’œil sur l’histoire de la communauté israélite de Iași, in Evreii din România în textele historiografice/Les Juifs de Roumanie dans les textes historiographique, Bucarest, 2002.

Les communautés les plus florissantes se situent en Moldavie. Barasch dit que la ville de Iași, capitale de la Moldavie, « pouvait être considéré comme une ville israélite ». Il insiste sur le côté conciliant des Juifs de Moldavie, vêtus à la mode « orientale, avec des étoffes colorées – et non noires comme en Pologne – et s’acquittant de ses affaires avec droiture ».

L’histoire suivante illustre malicieusement cette souplesse d’esprit : « Il était une fois, à Piatra Neamț, un jeune rabbin qui jouait aux échecs avec le propriétaire de la boucherie casher. Un jour, le rabbin disparaît. Il ne revient qu’un demi-siècle plus tard. Éberlué, son partenaire de jeu, amaigri et vieilli, l’interpelle : ‘Mais où as-tu été pendant toutes ces années, rabbi ? Pourquoi nous avoir abandonnés ?’ ; et le rabbi de répondre en souriant : ‘j’étais là-haut sur la montagne’. ‘Et que fait pendant cinquante ans un rabbin tout seul là-haut, sur la montagne ?’ murmure le boucher. Le rabbin de répondre : ‘Et bien, justement, là-haut sur la montagne, le rabbin réfléchit à la vie’. Le boucher perd patience : ‘Et à quelle conclusion es-tu arrivé ?’. Caressant sa barbe, le rabbin répond : ‘Mon ami, la vie est comme une fontaine’. Cette fois, le boucher n’en peut plus : ‘Nom de nom ! Cinquante ans tout seul en haut de la montagne pour réfléchir et ne trouver que cette réponse idiote ? Serais-tu devenu fou?’. Alors, son interlocuteur cesse de caresser sa barbe et dit à voix basse : ‘Alors, si tu y tiens, elle n’est pas comme une fontaine, la vie !’. ».

Les Juifs de Moldavie peuvent être propriétaires, propriétaires terriens, commerçants ou médecins. Aussi, les Juifs de Galicie, de Russie fuyant les lois draconiennes auxquelles ils sont soumis émigrent massivement vers cette région.

Ils sont peu taxés par le gouvernement. Les Juifs nés dans le pays ou naturalisés, sont soumis aux lois du gouvernement et versent une taxe annuelle de 12 florins. Ils n’étaient cependant pas incorporés à l’armée car cette dernière, selon Barasch, « porte un caractère essentiellement national et ni les Grecs, ni les Allemands, pourtant nombreux dans ces principautés [roumaines] n’y étaient admis ; en revanche ils dépendent bien du gouvernement, car si un pays manque de bras valeureux, aptes à l’industrie, l’ingénierie, le commerce, c’est à au détriment de son développement ». Les Israélites étrangers sont toutefois soumis à certaines restrictions, comme l’obligation de renouveler leur passeport dans leur pays d’origine. Durant la période phanariote, les enfants nés de parents juifs non naturalisés, sont taxés par Constantinople tous les trois ans.

Inscriptions funéraires. Sur la stèle supérieure on peut lire en roumain : « Toi qui passes par ici, ami ou voyageur inconnu, demeure un moment et prie pour moi, le héros muet. Va dire à tous que Grinberg Heinrich, un véritable juif, ayant aimé tout le monde, le pauvre, est mort en brave soldat dans la bataille de Oituz, le 8 Août 1917 à l’âge de 31 ans. Bucarest ».

La Diaspora a acquis les langues nationales (surtout le grec, le latin et le roumain), langues qui permettaient une ascension sociale et économique ; les Juifs de Roumanie étaient tout à fait partisans de l’assimilation et surtout la population jeune qui désirait ardemment jouir des droits civiques). Ainsi, « Les Juifs de la ville de Roman participèrent à la Guerre d’Indépendance. Tout en se voyant refuser la citoyenneté, ils continuèrent de combattre pour le pays où ils été nés ». Les Juifs prirent part à la Campagne de Bulgarie, puis, trois ans plus tard, à la Grande Guerre, comme l’attestent les différentes décorations militaires qui leur furent décernées.

J. Kaufmann souligne l’importance de la participation des Juifs de Roumanie à la Guerre d’indépendance de 1848. On retiendra parmi les grands patriotes, les noms de Daniel Rosenthal : peintre mort en martyr, sous la torture de la police hongroise, pour la Révolution de 1848 ; de Lăzărică Zaraful : très fortuné, il sauvera la vie de Dimitrie Brătianu – meneur roumain de la Révolution de 1848 ; Davicion Bally : fondateur d’une banque à Bucarest, il a soutenu la Révolution de 1848 ; et Iehuda Barbu Iscovescu : meneur dans la révolution de 1848 mort en exil.

De leur côté, les humanistes et hauts fonctionnaires roumains (les frères Brătianu -ministres-, Ion Ghica et Mihail Kogâlniceanu – présidents du conseil des ministres des principautés unies de Moldavie et de Valachie, Heliade Rădulescu -premier président de l’Académie Roumaine) considèrent les Juifs comme des frères, œuvrent pour leur émancipation et réclame une égalité des droits politiques.

Kaufmann reproduit les documents de la déclaration d’un juif Bernard Dov Popper qui galvanise ses coreligionnaires « dont les noms brilleront pour l’éternité et on saura jusque dans les contrées les plus lointaines de la Palestine la manière dont les Israélites contribuèrent à libérer la patrie et construire la félicité de la Roumanie ». Au-delà de l’aspect grandiloquent, on retiendra une vive « conscience nationale » de ces populations juives de Roumanie.

En 1919, le « Serment More Judaïco« , serment infamant demandé au Juifs, est aboli. Ce n’est cependant que par la Constitution de 1923 que les Juifs se virent accorder les droits de citoyenneté.

Les Juifs dans les échanges

Ițic KARA,

Contribuții la istoria obștii evreilor din Iași/ Contributions à l’histoire de la communauté juive de Iași, Bucarest, 1997.

Obștea evreiască din Bacău/ La communauté juive de Bacău, Bucarest, 1995.

Obștea evreiască din Podul Iloaiei/ La communauté juive de Podul Iloaiei, Bucarest, 1990.

Pascal PINCU, Obștea evreiască din Roman/ La communauté juive de Roman, Bucarest, 2001.

On assiste à une modernisation de l’économie ainsi qu’à l’intensification des relations entre les centres urbains, les villages et les foires. La ville de Iași connait une croissance démographique et voit l’avènement de nouveaux bourgs : Podu Iloaiei, Târgul Frumos. On compte d’importantes communautés juives en Moldavie dans les villes de Iași, Roman, Bacău, Bârlad, Focșani, Fălticeni, Gorza, Drogoi, Galați, Huși, jusqu’au Dniestr.

Le Danube dessert les différentes régions d’Europe depuis la Mer Noire et constitue un atout commercial. Les Juifs étaient connus pour faire passer les rivières et taxer les passages au niveau des ponts qu’ils étaient chargés d’entretenir.

Esquisse du Pont sur la rivière Bahlui (d’après Paolo Bonici)

Elias Schwarzfeld raconte l’événement suivant : « d’après la tradition que narre la bouche des hommes, [cette ville, Podul Iloaea] doit son nom au pont érigé sur la rivière Bahlui par une juive prénommée Iloaea, qui vivait dans ces confins. Il n’y avait là qu’une auberge, bâtie au bord de la grand’route, et de l’autre côté, à gauche de la rivière Bahlui, on trouvait quelques masures, là où se trouvait l’ancien relai de poste. Pour faciliter la communication entre le relais et l’auberge, le juive Iloaia, érigea un pont solide sur les eaux de la rivière Buhlui. Aujourd’hui encore, le pont porte son nom ».

Quelle que soit la véracité de la légende, Schwarzfeld affirme que l’effervescence causée par la création de foires dans la ville de Podu Iloaea, s’avère indubitablement liée à la présence juive. Selon Kara, les Juifs « jouent un rôle déterminant dans le commerce en Moldavie, notamment à Iași » et les échanges d’argent (activité souvent méprisée par les chefs religieux chrétiens orthodoxes) bien avant le XVIIIème siècle.

‘Hanoukia ancienne provenant du quartier Lipscani/Photographie Tamara Andrucovici (Tous droits réservés)

Les négociants de Moldavie achètent des produits de luxe à la foire de Leipzig (d’ailleurs un quartier de Bucarest porte encore aujourd’hui le nom de « Lipscani » en référence à la provenance de ces produits). Ils sont à l’origine d’une importante croissance économique. Par ailleurs, ils ont le monopole de la vente du vin et des spiritueux, dès le XVIIème siècle. Ils sont maîtres en horlogerie, verriers, graveurs très réputés pour la minutie de leur travail ; une corporation des tailleurs juifs est mentionnée dès 1797, celle des fourreurs date de 1820 (ils sont nombreux à Iași). Ils exercent également des fonctions dans l’alimentation : Kara mentionne un boulanger en activité à Iași en 1774 ; ils savent se conformer aux exigences rituelles concernant la nourriture.

Des Séfarades en Roumanie

La communauté séfarade de Bucarest existe depuis 1730 : le premier chef de la communauté fut Mentesh Bally; nommé conseiller par le prince de Valachie Nicolas Mavrocordat pour avoir soutenu ce dernier dans l’accès au trône. Ses membres représentent l’élite du judaïsme et « sont reconnus par un décret officiel d’Alexandru Șutu, souverain de Valachie ». On y dénombre des familles de banquiers célèbres qui furent de grands évergètes : Hillel Manoah cède par testament toute sa fortune à l’Université de Bucarest et à l’Académie Roumaine. Cinq de ses descendants (banquiers également) sont les premiers à se voir octroyer la citoyenneté en 1880.
Barasch considère que les Juifs de Muntenie sont largement minoritaires et que la plus grande communauté -celle de Bucarest- dénombre mille familles. Il s’agit d’émigrés espagnols et portugais venus par le Danube. D’autres proviennent d’Andrinople, Constantinople, Rusciuc, la Silistrie, Varna, Belgrade, Thessalonique, des villes de Bulgarie et de Serbie. La Congrégation espagnole de Bucarest porte le costume oriental à la mode, tandis que la jeunesse opte pour « le port français ». « Quant aux filles, elles s’habillent comme des européennes jusqu’aux noces ; une fois mariées, elles conservent l’accoutrement européen pour les robes uniquement ; elles couvrent leurs cheveux d’un bonnet rouge (fes) dont les bords sont ornés de monnaies, comme en Orient, ce qui gâche leur visage, qu’elles ont plutôt joli ». Ces communautés respectent le rite séfarade. On en trouve sporadiquement à Brăila, Călărași, Giurgiu et Ploiești.

La Grande Synagogue des Juifs séfarades de Bucarest fut érigée en 1819 et agrandie en 1853. La Grande Synagogue Chorale qui voulait témoigner, par sa magnificence, de la splendeur du Temple détruit fut inaugurée en Juillet 1867, dix ans après le projet initié par Isaac Leib Weinberg.

Grande synagogue « Chorale » de Bucarest/Templul Coral

Elle devait représenter l’unité des Juifs de Roumanie et promouvoir l’instruction laïque et religieuse. Le 30 Janvier 1921, on y célèbre l’office à l’occasion de l’installation du premier Comité des Juifs de Bucarest; deux représentants du gouvernement roumain sont présents lors de la cérémonie : Constantin Argentoianu (ministre et premier ministre) et Grigore Trancu-Iași (ministre du travail).

Ébullition intellectuelle… Traditions et légendes

– Cornelia BODEA, Valori de artă iudaică. Megillat Esther Iași 1673 oferită Mitropolitului Dosoftei/ Valeurs d’art juif : Rouleau d’Esther Iași 1673, offert au métropolite Dosoftei, Iași- Oxford, 2002.

Deux courants de pensée émergent dans les communautés juives de Roumanie : dès 1775n le hassidisme s’installe en Moldavie, notamment à Iași. Kara considère ce mouvement comme « une tendance populaire » qu’il oppose au second courant présent dès le XIXème siècle : la Haskala (issue des Lumières).

Solomovici note que si « le hassidisme n’offre pas de solutions, il descend Dieu sur terre et dans l’âme des gens ».

 Hassidime, Tsadikime, Maskilime : entre modernité…

Une ancienne tradition raconte que le Baal Shem Tov serait né sur le territoire moldave, dans le nord de la Bucovine. Plus précisément naquit-il en Galicie, à la frontière avec la Bucovine. Quoi qu’il en soit, ses pérégrinations à travers l’espace carpato-danubien le menèrent probablement jusqu’à Piatra Neamț.

L’hérésie frankiste avait trouvé un terreau favorable en Roumanie. Voyant que ce mouvement faisait de nombreux adeptes, le savant Bachi de Iași  (XVIIIème siècle) fait appel au Pacha de Khotyn afin d’empêcher les Frankistes de trouver refuge en Moldavie. Le hassidisme vient très rapidement à bout du frankisme naissant qui n’influencera pas grandement les communautés de Bessarabie, Moldavie et Bucovine.

Ces régions donnèrent des tsadikime/Justes réputés qui initièrent de grandes dynasties notamment celle de Satmar dont les membres se réclament du Voyant de Lublin. Des cours rabbiniques rassemblent des milliers de Juifs en Moldavie autour du Tsadik Israël Friedman de Ruzhyn (ses descendants fondèrent la cour hassidique de Ștefănești), du rabbi Yehouda Leib Friedman de Buhuși (Moldavie).

Le Tsadik de Ștefănești

Durant les années 1837 – 1853 le Litiner Rav de Iași était surnommé par la population « Baal Ness » faiseur de miracles…

Mais d’autres tendances de la judéité s’expriment aussi… Le courant de la Haskala se diffuse également en Roumanie au XIXème siècle. Il influença le créateur du premier théâtre yiddish au monde, situé à Iași : Abraham Goldfaden, fondateur du « théâtre yiddish professionnel, permanent, moderne, éducatif» selon les propos de Kara. La création d’un théâtre yiddish moderne marque un tournant décisif dans la culture mondiale juive du XIXème siècle. Les Maskilime, tenants des Lumières, fondent des écoles, dans un contexte de développement intellectuel et d’une volonté d’émancipation, sous la conduite de Benjamin Schwarzfeld (pilier de la culture juive de Iași), père de Moses Schwarzfeld (historien), du docteur Elias Schwarzfeld et Wilhelm (journaliste qui signale la présence de plusieurs écoles juives à Târgul Cucului et Ulița Mare).
La ville de Cernăuți, capitale de la Bucovine abrite un foyer de culture juive dont témoignent les écrivains d’expression yiddish Itzik Manger (très influencé par le théâtre yiddish et le folklore) et Jacob Steinberg. D’ailleurs, le premier congrès mondial de langue yiddish se déroule à Cernăuți en 1926, comme le rappelle Solomovici.
Progressivement d’autres populations juives demandent la création d’écoles modernes afin de diversifier les enseignements (en 1861 à Păcărui, dès 1864 à Podu Roșu).

 … et légendes

Le hassidisme devint très populaire dans la région de Iași très friande de légendes. On raconte par exemple que l’illustre Rabbi Naftali « a conjuré, un jour, l’ange du feu, ce qui a déclenché de nombreux incendies ».
Le célèbre Rav Apter (Rabbi Avraham Yehoshua Heshel d’Apta, surnommé « Ohev Israël« ) officiait dans la communauté de Iași. La légende veut qu’un jour, son épouse se disputa avec une autre femme. Rav Apter déclara que la seconde était malhonnête et qu’il le prouverait. Il convoque les Tsadikim dans la Grande Synagogue et envoie son chamès au cimetière, pour dire à tel mort que le Rav lui ordonne de venir. Le mort est apparu pour témoigner contre la femme malhonnête montrant que les morts aussi s’indignent face à la malveillance.

Extrait de la Méguilate Ester Iași de 1637 offerte au Métropolite Dosoftei/Ce document assez extraordinaire témoigne d’un « hommage à l’entente spirituelle » existant entre Dosoftei, Métropolite de Iași et la rabbin Nathan Hannover /Elle fut exécutée à Venise et offerte au Métropolite.

Une mémoire perdue?

– Elie WIESEL, Les portes de la forêt, Paris, Le Seuil, 1964.

Un conte hassidique, que rapporte Élie Wiesel, narre les événements suivants : « Lorsque le grand Rabbi Israël Baal Shem Tov voyait qu’un malheur se tramait contre le peuple juif, il avait pour habitude d’aller se recueillir à un certain endroit dans la forêt; là, allumait un feu, récitait une certaine prière et le miracle s’accomplissait, révoquant le malheur. Plus tard, lorsque son disciple le célèbre Maggid de Mezeritch devait intervenir auprès du Ciel pour les mêmes raisons, il se rendait au même endroit dans la forêt et disait : « Maître de l’Univers, prête l’oreille. Je ne sais pas comment allumer le feu, mais je suis encore capable de réciter la prière »’. Et le miracle s’accomplissait. Plus tard, le Rabbi Moshe-Leib de Sassov, pour sauver son peuple, allait lui aussi dans la forêt et disait : « Je ne sais pas comment allumer le feu, je ne connais pas la prière, mais je peux situer l’endroit et cela devrait suffire ». Et cela suffisait, là encore, le miracle s’accomplissait. Puis ce fut au tour du Rabbi Israël de Ruzhyn d’écarter la menace. Assis dans son fauteuil il se prenait la tête entre les mains et parlait à Dieu : « Je suis incapable d’allumer le feu, je ne connais pas la prière, je ne peux même pas retrouver l’endroit dans la forêt. Tout ce que je sais faire c’est raconter cette histoire. Cela devrait suffire’. Et cela suffisait. Dieu créa l’homme parce qu’Il aime les histoires ».

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