Note de lecture

Rédigée par Laurence Walbrou

Serge KLARSFELD, Adieu les enfants (1942-1944), Paris, Éditions Mille et une nuits, 2010.

Les livres d’histoire qui alignent avec froideur dates, chiffres, listes de noms et récits factuels peuvent-ils rendre compte du basculement d’un quotidien heureux dans la plus âpre confusion, quand des coups frappés à la porte au petit matin viennent disloquer un foyer pour le précipiter dans la panique ou la sidération ?
Serge Klarsfeld a rassemblé au cours de dix années de recherches un nombre impressionnant de textes publiés in extenso dans son célèbre  Mémorial des enfants juifs déportés de France.
Dans ce livre bref, il propose cinquante extraits de lettres, notes, petits mots jetés comme autant de bouteilles à la mer, ultimes phrases qui tentent de rassurer ou appellent au secours. L’expression des besoins matériels les plus essentiels côtoie les mots d’adieu et d’amour de pères, mères, enfants à l’orée d’un univers terrible et inconnu, ignorant qu’il sera pour beaucoup le bout du chemin.
L’auteur a privilégié les lettres ayant échappé à la censure, ainsi que les témoignages écrits « à chaud » par leurs acteurs ébahis face à l’impensable. L’orthographe originale, les mots maladroits des plus petits, les lignes appliquées des écoliers, les photos d’un passé souriant donnent chair à l’Histoire, rendent visages et vie à ceux qui disparurent dans le chaos.
Il nous semble presque entendre le timbre de voix de quelques-uns des onze mille enfants qui ne revinrent pas.