Note de lecture
Rédigée par Yitzhak de Almeida
Rav Issachar Shlomo TEICHTAL, Em Habanim Seme’hah/Comme une mère attend ses enfants/אם הבנים שמחה, Traduit de l’hébreu par S. Brodowicz, I.C.S, 2018.
Nombreux sont les Juifs américains et israéliens à avoir entendu parler du Rav Issachar Shlomo Teichtal (1885-1945). Un des plus grands érudits de son temps, celui-ci fut à la fois dirigeant de la communauté juive de la ville tchécoslovaque de Pishtian (aujourd’hui Piešťany en Slovaquie) pendant plus de vingt ans mais aussi fondateur d’une yeshivah, comme cela se faisait beaucoup à l’époque.
En effet, le Rav Teichtal, en dehors de ses activités « classiques » de rabbin, est surtout réputé pour avoir osé briser le consensus juif orthodoxe de son temps vis-à-vis de la position à adopter face au mouvement sioniste, à l’époque représenté en majorité par des Juifs laïques. Durant cette période où un antisionisme virulent régnait parmi les grands noms du judaïsme ashkénaze, l’auteur de notre ouvrage osa proclamer que le peuplement de la Terre d’Israël (מצוות ישוב הארץ/yichouve la’aretz en hébreu) constitue une mitzva, un commandement divin, même quand il est accompli par des « hérétiques ».
אם הבנים שמחה/Ème Habanime Semé’hah /Comme une mère attend ses enfants/, sans aucun doute la pièce la plus importante dans l’œuvre du Rav Teichtal, constitue justement le plaidoyer de ce dernier pour l’immigration des Juifs en Palestine mandataire.
Rédigé en 1943 alors que l’auteur vivait caché des persécutions nazies et ne disposait d’aucune bibliothèque, Em Habanim Seme’hah n’est pourtant pas un ouvrage facile d’accès. Faisant appel à tous les trésors de la tradition juive (Talmud, Kabbale, Midrash, ouvrages de Halakha, et bien évidemment la Bible hébraïque), le Rav Teichtal exprime puissamment son amour de la Terre d’Israël, dans un style qui n’est pas sans rappeler un autre grand rabbin sioniste contemporain, le Rav Avraham Yitzhak Kook.
En effet, loin d’établir une séparation stricte entre Juifs « craignant-D.ieu » et « hérétiques », l’auteur insiste au contraire sur l’héritage commun à toutes les composantes du peuple hébreu. Dans cet héritage partagé, se trouve bien entendu Eretz Israël. Bien que propriété divine, la Terre d’Israël a été donnée par Dieu aux Enfants d’Israël pour que ceux-ci puissent y bâtir une société fondée sur les principes de la Torah. Le Rav Teichtal ne partage pas par le raisonnement de ses coreligionnaires orthodoxes, hostiles ou méfiants envers le sionisme politique et avoir perdu de vue la dimension politique de leur foi. Pour lui, ces derniers devraient au contraire participer en masse à la démarche de leurs frères laïcs.
Visionnaire dans sa conception du judaïsme en tant que projet politique et national, le Rav Teichtal ne put malheureusement pas voir celle-ci s’accomplir, puisqu’il mourut en déportation à la toute fin de la Seconde Guerre mondiale. Néanmoins, pour tout lecteur désireux de savoir ce que la tradition juive a à dire sur ses rapports avec la Terre d’Israël, Em Habanim Seme’hah constitue un ouvrage indispensable.
Il me semble que ce commentaire « rose » ne reflète pas du tout l’histoire de R. Teichtal. Sauf erreur, le R. Teichtal faisait partie des opposants virulents au sionisme. Sa « conversion » au sionisme est venue qd il s’est aperçu (un peu tard….) de son erreur. Mieux valut tard que jamais, bien sûr.
Oui, il faudra sans doute revenir sur cet ouvrage et sur le parcours de son auteur, plus en détail et avec plus de nuances dans un article et non pas une brève note de lecture. Notre connaissance du sionisme, et de l’histoire juive en général n’en sera que plus précise et loin de toute « légende » (rose ou noire!)…
Vous avez raison. Cependant, si j’ai choisi de laisser cet aspect de côté, c’est surtout car ce revirement ne fut pas purement intellectuel mais plutôt le fruit d’une conjonction de facteurs (dont l’avènement de la Seconde Guerre Mondiale). Il aurait alors fallu m’engager dans un développement sur le parcours spirituel de l’auteur qui n’avait pas sa place dans une si brève note de lecture. J’ai avant tout voulu souligner le caractère « exceptionnel » de l’œuvre au sein de la pensée ‘haredie de cette époque.