Intégral Pentateuque

Note de lecture

Jonathan SACKS, Covenant and Conversation/Alliance et conversation, Cinq volumes : Genesis, Exodus, Leviticus, Numbers, Deuteronomy, OuPress, Maguid, 2009-2019.

Sifriaténou contribue régulièrement à enrichir le sommaire de la revue L’Arche en proposant des ouvrages de pensée juive à ses lecteurs. David Encaoua a présenté brièvement cet ouvrage dans l’Arche de Novembre-Décembre 2022.

Chaque semaine, le peuple juif lit publiquement une partie de la Torah et cette lecture occupe le cœur de la liturgie synagogale. Ce rituel oblige à découper l’ensemble du texte, afin de le répartir à peu près également en masses égales, en portions significatives. Si un tel étalement sur un an est nécessaire, ce morcellement risque de faire perdre de vue le sens global de l’ensemble des cinq livres qui forment le Pentateuque.


C’est, sans doute, pour éviter le danger d’émiettement que, au-delà des traditionnels commentaires consacrés à tel ou tel point de la « Paracha/péricope de la semaine », le Grand-Rabbin Jonathan Sacks propose une lecture globale qui permette de dégager le sens général de chaque livre et de saisir la progression d’un livre à l’autre. Dans son commentaire détaillé, en cinq volumes, de la Torah, sous le titre générique Covenant and Conversation/Allliance et Conversation, jamais cet exégète ne perd pas de vue le sens de l’ensemble textuel.
La Genèse, préhistoire du peuple juif, retrace des trajectoires singulières et dessine des figures individuelles, promises à devenir une grande nation. Ce livre montre que l’aventure humaine commence dans la famille, celle-ci constituant une sorte de laboratoire, révélant des drames universels, dont celui de la rivalité fraternelle. On notera que cette rivalité s’atténue dans le temps : depuis le fratricide commis par Caïn jusqu’au pardon que Joseph accorde à ses frères coupables de l’avoir abandonné.
L’Exode s’attache au destin non plus d’individus mais d’une collectivité dont on retient que l’asservissement n’est jamais irrévocable. Sous la conduite de Moïse, les Hébreux sont libérés de la servitude égyptienne et se retrouvent assez vite dans le désert du Sinaï, en route vers la terre promise mais non encore permise. Ils entrent dans l’Alliance du Sinaï et reçoivent les Dix Paroles.
La mémoire des récents événements passés ne semble cependant pas encore très ferme, comme l’illustrent deux épisodes : la construction du Veau d’or après l’absence de Moïse pendant quarante jours, et le rapport diffamatoire des explorateurs envoyés inspecter la terre de Canaan.   Mais aussi longue et tenace qu’ait été leur captivité, la libération des Hébreux offre un puissant symbole historique : celui du refus de l’esclavage et de la tyrannie.  
Le Lévitique, est à la fois le plus important et le plus court. Il énonce les lois, les sacrifices et les rituels dont les prêtres sont chargés ; c’est un livre qui ne comporte aucun grand récit. C’est le livre par lequel que la tradition juive recommande de faire débuter l’enseignement des enfants.  Le livre du culte.
Le Livre des Nombres illustre la lente et longue traversée du désert (40 ans), qui aurait pu être réalisée en quelques semaines ! A la différence de l’Exode qui décrit le voyage depuis la terre de misère, il raconte le lent voyage vers la Terre Promise. Il est semé d’embûches, dont les Hébreux sont eux-mêmes les auteurs. Ce livre illustre la difficile prise de conscience collective du destin nouveau auquel est convié Israël depuis l’Alliance du Sinaï. Construire une nation et une nouvelle société nécessite une solidarité, que l’asservissement dans l’empire égyptien avait empêchée. Seule une nouvelle génération est en mesure d’y parvenir.
Enfin, le Deutéronome est formé du long discours (un mois !) que Moïse, empêché de pénétrer sur la terre désormais permise, tient aux Hébreux avant sa mort. C’est un rappel des transgressions auxquelles se sont livrés les Hébreux tout en étant l’expression d’un message d’espoir dont l’Alliance du Sinaï est porteur.  On retrouve ainsi ce qui apparaîtra plus tard chez les Prophètes : la remontrance et la promesse.

Rabbi Jonathan Sacks

On va de l’histoire d’une famille à celle d’une société unie, et d’une collectivité régie par la Loi à l’humanité tout entière. Tel est le mouvement général du Pentateuque que la lecture du Rav Sacks saisit dans toute sa cohérence.

David Encaoua