Comme un poing tendu, l’insolente dignité :
Le récit du matricule 37734
par Solange Festal-Livanis
Iakovos KAMBANELLIS, Mauthausen, Titre original : [Μαουτχάουζεν], Traduit du grec par S. Festal-Livanis, Paris, Albin Michel, 2020, Collection « Les Grandes Traductions ».
Dans Mauthausen, Iakovos Kambanellis raconte les deux années qu’il a passées dans ce camp de concentration. Il évoque également les mois vécus dans le camp libéré et il narre un événement rarement évoqué : le départ clandestin des Juifs qui voulaient rejoindre la Palestine. Cette œuvre-témoignage de rescapé ne vaut pas seulement pas sa valeur testimoniale ; malgré son titre peu engageant, elle est un hymne à la vie qui célèbre la mémoire des morts et répond à l’absurde par l’humour et l’amour de l’humain.
Le public français découvre Mauthausen, plus de cinquante ans après sa parution. Jusque là, il ignorait tout de son auteur. Pourtant, Kambanellis, que les journalistes, en Grèce, ont surnommé avec affection et déférence « le patriarche du théâtre néo-hellénique », a créé une œuvre dramatique qui fait de lui, avec une quarantaine de pièces, l’un des dramaturges grecs les plus importants. Et il avait déjà acquis une grande notoriété quand, en 1963, il entreprit l’écriture de Mauthausen, ce récit aux allures de roman autobiographique qui se détache, au moins par le genre, du reste de son œuvre.
Ainsi, pour mieux saisir la singularité de ce récit, il n’est pas inutile de découvrir le parcours biographique et intellectuel de son auteur.
Qui est Iakovos Kambanellis?
La jaquette de l’édition française nous donne à voir une photographie de Iakovos Kambanellis approximativement à l’âge où il a écrit son témoignage. Son profil se détache sur un fond de paysage méditerranéen avec mer et rivage montagneux. Le front plissé, l’homme jeune semble regarder vers l’avenir. Mise en exergue, au-dessus de son nom, une citation : « C’est Mauthausen qui m’a défini comme homme, je suis encore un homme du camp ». Cette formule ne figure pas dans Mauthausen ; son auteur l’a prononcée dans un entretien télévisé alors qu’il avait plus de quatre-vingts ans.
Cependant, l’homme grec disait aussi qu’il tenait de son origine naxiote sa capacité à entrevoir les rayons du soleil même dans l’obscurité : son œuvre est porteuse d’un lumineux espoir. Iakovos Kambanellis est né en 1921 dans l’île de Naxos, sixième de neuf enfants. Sa famille s’installa à Athènes alors qu’il avait douze ans. Là, il dut travailler le jour tout en suivant, le soir, des cours dans une école technique. Trois ans après, il travaillait dans une entreprise comme dessinateur technique du bâtiment. Arriva la guerre et l’impitoyable occupation de la Grèce. Au bout de quelques temps, il fuit son pays avec un ami pour le Moyen-Orient. L’entreprise échoua.
Ils tentèrent alors d’aller en Suisse par l’Autriche. C’est là que Kambanellis fut arrêté et il finit son périple au camp de concentration de Mauthausen où il resta prisonnier sous le matricule 37734 d’octobre 1943 jusqu’au 5 mai 1945, date de la libération du camp par l’armée américaine. Dans les jours qui suivirent, il fut élu par le millier de Grecs survivants représentant auprès du comité qui non seulement s’occupait du rétablissement physique et du rapatriement des ex-détenus, mais aussi établissait leurs dépositions et recueillait leurs témoignages.
Bien que non-Juif, Kambanellis resta avec ses compatriotes juifs dont le désir d’aller en Palestine était contrecarré par la politique britannique, si bien qu’il séjourna dans le camp libéré jusqu’à la fin juillet. Ainsi, la prolongation de son séjour à Mauthausen accroît la portée testimoniale de son récit, tout comme ce qu’il raconte de sa rapide traversée d’une Italie en partie détruite.
Il rentra pour retrouver une Grèce meurtrie tant par la guerre mondiale que par la guerre civile qui commençait. Une fois chez lui, il fit de son expérience des récits oraux à ses proches, puis, utilisant les notes qu’il avait prises dès l’époque du camp, il coucha par écrit pendant l’hiver 1945-1946, en un millier de pages, un texte qu’il considéra plus tard comme bavard et surchargé d’émotions. Il le laissa de côté, le trouvant inutile désormais, et s’en désintéressa. Sa première préoccupation était de trouver du travail pour survivre dans la Grèce d’après-guerre.
Or, un jour d’octobre 1945, il entra par hasard dans une salle de théâtre où se jouait une pièce et en fut bouleversé. Lui qui, dans le camp, avait vu en face tant d’atrocités d’une réalité tellement mortifère, fut ému par une histoire factice. Des années plus tard, il commentait sa réaction : « Ce n’était pas la pièce qui m’avait bouleversé […]. C’était la découverte que la vie pouvait être représentée de façon si vivante, si convaincante. Et aussi le fait que ce que j’avais vu sur la scène pouvait être une vérité plus significative que le modèle de la vie réelle. », (Depuis la scène et depuis le parterre, p. 58).
Il décida de devenir acteur, mais, comme il n’était pas allé au lycée, les portes du Conservatoire lui étaient fermées. Il se souvenait qu’à l’époque il s’était mis en colère, puis avait dit au directeur du Théâtre National qu’il reviendrait « par une autre porte »; et il faisait remarquer, avec son humour habituel, que, donc, il avait été obligé de devenir écrivain ! Nous avons ici un exemple de la manière dont Kambanellis se présente comme quelqu’un qui subit les changements que lui impose le destin mais qui s’en approprie les conséquences avec une souriante mais infrangible dignité.
Le processus d’écriture de Mauthausen
Ainsi, en 1963, lorsqu’il décida de reprendre ses notes sur son expérience concentrationnaire, Kambanellis était un auteur reconnu. Il donna son récit sous forme de feuilleton au journal Eleutheria.
Mauthausen parut en 1965 en même temps que fut enregistrée la Cantate de Mauthausen que Mikis Theodorakis, inspiré par le bouleversant témoignage, composa. Kambanellis écrivit, pour cette création, quatre poèmes, quatre chansons, dont le célèbre Cantique des Cantiques.
Quels furent les facteurs déclenchant pour que l’ancien prisonnier, vingt ans après, se sentît dès lors « en mesure d’évoquer et de dépeindre avec précision cet endroit de [sa] vie et de la vie de tant d’autres », p. 7 ?
Voici la réponse qu’il donnait lui-même : « Mauthausen a été écrit quand j’ai ressenti qu’étaient grandement trahies les espérances que j’avais eues après la fin de la guerre », Depuis la scène et depuis le parterre, p. 53.
Sa déception et son inquiétude font écho à celles d’autres survivants des camps comme Robert Antelme, Primo Levi, Charlotte Delbo, ou Jean Améry. En effet, ces deux années-là coïncident avec d’importantes tensions de la guerre froide : l’assassinat de Kennedy, la crise du Vietnam, la déstalinisation de la Russie, la découverte des goulags… En outre, de 1963 à 1965, se tint le procès de Francfort dont on peut dire qu’il amorça véritablement l’intérêt de la communauté internationale pour le génocide juif. Ajoutons pour la Grèce l’intensification de la crise chypriote et une nouvelle déstabilisation politique exacerbée par l’assassinat d’un jeune député populaire.
Kambanellis percevait dans la situation politique de son temps des résonances avec ce qu’il avait vécu à Mauthausen, notamment dans le camp libéré : « Aujourd’hui où je vois « la rencontre » du « passé » avec le « présent », certains événements que je n’avais pas compris se clarifient dans mon esprit. Peut-être les ai-je compris désormais. », p.7. Il ressentait la nécessité d’alerter du danger. Ce qu’il fit à nouveau en 1995, quand, vraisemblablement en raison de la guerre en ex-Yougoslavie, il reprit son texte et écrivit une seconde préface en constatant que « cinquante ans ont passé depuis cette époque-là sans que tout ce que 1945 nous a légué soit passé en nous », p. 12.
Au delà du témoignage
Imaginons.
Début de l’été 1945. Yannina, jeune juive lituanienne, et son amoureux grec Iakovos dansent joue contre joue sur la place du village de Mauthausen qui tous les soirs « prenaient des allures de stations balnéaires», p.190. Ils sont venus avec leurs amis du camp fêter les fiançailles d’un sergent américain avec la petite Stella, une autre déportée juive.
La jeune fille demande : « Tu aurais le courage … Tu es capable de tuer ? ». Il répond que oui, s’il le fallait. Elle reprend : « Autrefois, avant Mauthausen, tu aurais pu ? – Je pense que non ». Serrés l’un contre l’autre, ils poursuivent ce dialogue jusqu’à ce qu’il lui conseille de garder sa haine et de ne pas en avoir peur, qu’elle s’apaiserait d’elle-même. « Ce n’était pas le dialogue le plus approprié pour un couple d’amoureux en train de danser un slow », commente le narrateur. « Mais nous étions un couple qui dansait à quelques kilomètres à peine du camp et juste quelques semaines après l’extinction des fours. De quoi parler d’autre ? », p. 191.
Kambanellis raconte cette période étrange de trois mois où, même si le camp a été libéré, les anciens prisonniers ne peuvent pas encore partir. En attendant, ils réapprennent à vivre, déposent leurs témoignages auprès d’officiers américains, partagent leurs souvenirs de l’époque du camp nazi, font des cauchemars, vont se promener dans la campagne environnante, rencontrent des Autrichiens avec qui les rapports sont souvent très tendus. Les femmes se remettent à la couture en utilisant des tissus arrachés aux maisons des SS. Enfin, Iakovos, qui a promis de quitter le camp seulement lorsque les derniers Grecs juifs seraient évacués, part avec eux clandestinement. Ce départ correspond à un des éléments de l’Aliyah Beth, l’immigration clandestine des Juifs vers la Palestine tant que dura le mandat britannique.
«Le soleil commençait à poindre. Nous avons franchi la clôture du côté où les barbelés avaient été coupés et, peu après, nous sommes arrivés dans la forêt. Une brume blanche couvrait la terre et l’herbe. C’était comme si nous marchions sur un nuage. Tous regardaient devant, personne ne parlaient, on n’entendait que les pas sur la terre humide. Je me suis retourné pour regarder. J’en ai vu derrière nous, puis d’autres, et encore d’autres qui avançaient. Les premières lueurs du soleil touchaient la cime des arbres. À notre vue, les oiseaux qui nichaient dans les branches se sont mis à parler de nous et à s’expliquer les uns les autres qui nous étions et où nous allions », p. 332.
Dans cet extrait, le motif des oiseaux qui parlent souligne le caractère sacré de cet exode. En effet, dans la chanson traditionnelle grecque, les oiseaux parlent à des moments importants de contact avec le surnaturel. C’est le passage du livre où l’auteur grec va puiser le plus profondément dans sa tradition, celle qui est ancrée en lui depuis son enfance, pour exprimer l’émotion ressentie à voir ses amis juifs sur le chemin du retour en Palestine.
Les deux années que Kambanellis a vécu dans le camp fermé sont elles-mêmes enfermées dans le récit des trois mois passés dans le camp libéré. Ces récits enchâssés font partie des originalités de la structure de Mauthausen : la tension entre l’horreur vécue et le retour à la vie. Thanatos et Eros dansent un pas de deux en équilibre sur la ligne frontière entre les deux espaces-temps.
Autre spécificité, c’est par la libération du camp, ou plus exactement peu avant celle-ci, que commence le récit.
Voici l’incipit de Mauthausen :
« Les signes venaient de la terre et du ciel
C’était en avril. Et c’était en 1945. Nous avions fini par le savoir : la guerre allait se terminer… les signes étaient nombreux. Les haut-parleurs qui étaient installés dans les baraques pour nous faire entendre les communiqués de la Wehrmacht et les discours d’Hitler s’étaient tus depuis longtemps. Chaque jour, le ciel crépitait des centaines de bombardiers américains qui venaient de France. En un après-midi, nous en avons compté plus de mille. Les SS sortaient de leurs baraques et les pourchassaient de leurs jurons. Puis ils allumaient une cigarette, et ils se mettaient à blaguer jusqu’à être pris d’un fou rire nerveux », p. 13.
Kambanellis raconte l’extrême violence infligée à des hommes innocents par d’autres qui rivalisaient de cruauté. Il donne des détails glaçants, comme ceux du carnage de la chasse à l’homme dans la forêt et les villages alentour lorsque les Russes du Block 20, risquant le tout pour le tout, se sont échappés. Pour survivre dans ce monde de folie, il fallait avoir de la chance et être initié, écouter le conseil du déporté espagnol : « Ici, pour s’en sortir, il faut avoir une croûte de folie autour du cerveau. […] Il faut que tu deviennes un peu fou ! Il faut que tu t’adaptes… Ce n’est pas difficile… La peur, la faim, les morts t’aideront. », p. 96.
Oui, la folie au camp était double : monstrueux phénomène aberrant et refuge antidote, parfois si proche de l’imagination créatrice de l’artiste.
Désir, liberté, imagination
Dans ce texte pudique, la simplicité, le naturel du ton contrastent avec les horreurs décrites. Malgré l’abominable, malgré le tragique qui côtoie le grotesque, les dialogues dans une langue limpide, insolente, explosent de vie. Si la musique peut accompagner les tortures des SS, elle est avant tout, pour les détenus, une façon d’exprimer leur douleur, leur résistance, leur nostalgie, et enfin leur joie.
Les chansons accompagnent le lecteur tout au long du livre. Refus du silence, acte de résistance et de communion entre tous les hommes. Ainsi, chaque nuit, les Russes chantaient : « La flamme brûlait les morts jour et nuit, le sable du fleuve et les pierres de la carrière buvaient le sang. Les Russes chantaient. Nous, nous écoutions. Les chants russes étaient les églises de Mauthausen. C’était là que nous allions tous à la messe recevoir la communion du courage. », p. 108.
Et puis, il y a la solidarité, l’amitié ; il y a surtout l’amour. Celui des « heures de l’amour à Mauthausen » où, les dimanches, les hommes et les femmes se regardaient de loin, muets :
« Cet échange de regards durant des heures faisait monter dans les grands yeux profonds un déchirant désir tout ce qu’il y avait de plus sacré.
Tu ressentais une secousse dans les jambes, comme si quelqu’un, enfoncé profondément dans la terre, frappait une énorme grosse caisse.
Si les clôtures avaient disparu tout à coup… les hommes et les femmes se seraient jetés avec rage les uns sur les autres pour se saisir. Les corps osseux à moitié morts auraient roulé enlacés sur l’herbe et à même la terre, ils auraient eu mal, ils auraient poussé des cris, ils seraient morts […]. », p. 223.
Pour le jeune Iakovos, il y a aussi Yannina, la jeune juive lituanienne dont il tombe amoureux. Ensemble, dans le camp libéré, ils reviennent à la vie en allant « ramasser » leur liberté « ainsi, libre » partout où elle « se trouvait dispersée », p. 48. Le personnage de Yannina participe de l’originalité de Mauthausen en y introduisant un élément sentimental, voire érotique. On quitte le récit de compagnonnage pour une vision plus globale de l’humanité dans le camp non seulement après sa libération, mais aussi avant, grâce aux récits qu’elle fait. Le désir est intimement lié à la narration des deux jeunes gens, c’est une des forces de ce texte. Désir et liberté se réapprennent ensemble.
Le pouvoir de décider, l’écrivain le revendique en affirmant la primauté de l’imagination, car pour être capable de liberté, il faut déjà pouvoir l’imaginer. Pour le dramaturge écriture vraie et imagination sont indissociables. Il en aurait eu conscience dès le camp libéré :
« J’essayais de faire un peu plus, d’écrire quelque chose de vraiment personnel, mais je n’y arrivais pas. Déçu par mon imagination, je me suis borné à écrire seulement ce que j’avais vu à Mauthausen et ce que j’avais entendu raconter. Je me disais : ‘un écrivain écrit ce qu’il imagine, et pas ce qu’il a vécu. Je ne suis donc pas fait pour être écrivain. Dommage’ », p. 322-323.
Avec la légèreté d’une autodérision a posteriori, Kambanellis présente une problématique inverse de la plupart de ceux qui ont voulu rendre compte de leur séjour en camp de concentration. En cela, il se rapproche de la constatation de Robert Antelme dans L’espèce humaine, à propos des rescapés qui avaient eu affaire à « une de ces réalités qui font dire qu’elles dépassent l’imagination. Il était clair, désormais que c’était […] encore par l’imagination que nous pouvions en dire quelque chose. », p. 9. Et comme ce dernier, il exprime haut et fort la volonté de survivre comme résistance à tous ceux qui ont souhaité ou souhaiteraient nier la permanence de l’humanité irréductible en chacun. Son texte a gardé l’insolence victorieuse du jeune homme de vingt-trois ans fier de tenir dans ses bras la belle Yannina, fier de danser avec ses habits de bagnards et ne supportant pas la pitié de ceux qui n’ont pas connu Mauthausen.
***
Iakovos Kambanellis a métamorphosé son expérience traumatique en hymne à la vie et à la liberté. Son talent d’écrivain lui a fait trouver les stratégies narratives les plus justes. Elles donnent à Mauthausen sa grande puissance évocatrice. Tombeau inoubliable sur lequel souffle la rage de vivre et d’aimer, ce texte aux grandes qualités littéraires fait entendre une voix singulière, tout à la fois grecque et universelle. Elle se joint à celles des auteurs de littérature concentrationnaire les plus importants.
Références bibliographiques
Iakovos Kambanellis/Ιάκωβος ΚΑΜΠΑΝΕΛΛΗΣ
- Mauthausen [Μαουτχάουζεν], Athènes, Themelio, 1965; rééd. Kedros, 1995.
- Depuis la scène et depuis le parterre/Ἀπό σκηνῆς καί ἀπό πλατείας/ Apo skinis ké apo platias, Athènes, Kastaniotis, 1990.
- Entretien de Iakovos Kambanellis avec Aviram Golan, Haaretz, 21/03/2006. consulté le 01/06/2020.
- La Ballade de Mauthausen/Η Μπαλάντα του Μαουτχάουζεν /Musique : Μίκης Θεοδωράκης/Mikis Theodorakis/Paroles : Iakovos Kambanellis : 1. Άσμα Ασμάτων /Cantique des Cantiques. 2. Ο Αντώνης /Antonis. 3. Ο Δραπέτης /Le fugitif. 4. Άμα τελειώσει ο πόλεμος /Quand la guerre sera finie.
Littérature concentrationnaire
- Jean Améry, Par delà le crime et le châtiment, Traduit de l’allemand par F. Wuilmart, Paris, Actes Sud, 2005.
- Robert Antelme, L’espèce humaine, Paris, Éditions de la Cité universelle, 1947.
- Charlotte Delbo, Aucun de nous ne reviendra, Paris, Éditions de Minuit, 1965.
- Primo Lévi, La Trêve, Paris, Traduit de l’italien par E. Genevois-Joly, Grasset, 1966.
Sur le camp de Mauthausen
Gordon J. Horvitz, Mauthausen, ville d’Autriche (1938-1945), Titre original : In the Shadow of Death : Living Outside the Gates of Mauthausen, Traduit de l’américain par A. Charpentier, Paris, Le Seuil, 1992, Collection « Libre examen ».
Cet ouvrage se fonde non seulement sur la consultation d’archives, mais sur une enquête menée à Mauthausen même, petite ville tranquille au bord du Danube, non loin de Linz. Extrait de la présentation donnée par l’éditeur :
« De 1938 à 1945, ses habitants vécurent dans le voisinage immédiat d’un des principaux complexes concentrationnaires du III Reich…
S’il relate d’authentiques actes de résistance, il témoigne aussi de l’enthousiasme avec lequel certains civils participèrent au massacre, et souligne surtout, à travers des exemples précis, l’extrême obstination que mettent les hommes à ne pas voir ce qu’ils ont sous les yeux, à ne pas sentir l’odeur de chair brûlée dont ils tentent pourtant de se protéger, à ignorer la destination d’un convoi de handicapés qu’ils transportent vers la mort.
50 % des Autrichiens estiment que « les juifs sont responsables de leur persécution dans le passé » révèle un sondage Gallup publié en 1991. C’est sans doute derrière les volets mi-clos des charmantes maisons de ces temps-là que s’est forgée cette conviction».
Peter Kuon, L’écriture des revenants : Lectures des témoignages de la déportation politique, Paris, Éditions Kimé, 2013, Collection «Entre Histoire et Mémoire».
Il s’agit d’analyses de témoignages de déportés à Mauthausen. Certes, ils étaient politiques, mais certains étaient juifs aussi. Et de toute manière, les analyses de l’écriture testimoniale dépassent cette distinction (même si, de fait, elle existait).