En quête de liberté

par Claire Leibovich

Esther KREITMAN, La danse des démons (1936), Titre original : Der Sheidim Tants, Traduit du yiddish par Carole Ksiazenicer et Louisette Kahane-Dajezer, Paris, Editions des femmes, 1988.

Esther Singer Kreitman (1891-1954) est souvent présentée comme la « sœur oubliée » du prix Nobel de littérature Isaac Bashevis Singer, et du moins connu écrivain et journaliste Israël Joshua Singer. L’expression est éloquente : redécouverte à partir des années 1980, l’œuvre littéraire de Kreitman est typiquement abordée à travers des comparaisons avec celles de ses frères, et surtout celle d’I.B. Singer. Cependant, malgré un contexte biographique et des influences littéraires qui se font échos dans leurs œuvres respectives, Kreitman offre une voix radicalement distincte des leurs. Notamment, l’œuvre de Kreitman est hantée d’une obsession : décrire et dénoncer la condition féminine dans les milieux juifs orthodoxes et hassidiques de la Pologne et de l’Europe du début du XXème siècle. C’est certainement le thème principal de son premier roman d’inspiration autobiographique, La danse des démons. Publié pour la première fois en yiddish en 1936, ce roman suit le parcours d’une jeune fille juive cherchant à se forger une identité en dehors d’oppressions familiales et sociales.

Une époque en ébullition

Pour commencer, La danse des démons capture l’instantané d’un parcours et d’une époque qui, à priori, semblent offrir à la protagoniste de multiples possibilités pour se réaliser.

Au début du roman, qui se déroule sur une durée d’environ cinq années, Dvoïrele a quinze ans. Le récit suit donc l’évolution d’un personnage qui d’adolescente devient une jeune adulte, c’est-à-dire qui traverse une période de la vie au cours de laquelle, normalement, l’on change beaucoup. Dans ce sens-là, les grands changements que connait la famille de Dvoïrele au cours du roman accompagnent et façonnent sa trajectoire intellectuelle et émotionnelle. En effet, d’un village de campagne où le père est rabbin, la famille de quatre s’installe dans une petite ville de province, d’où ils déménagent enfin pour Varsovie, capitale plus « moderne ». Plus tard, Dvoïrele voyage brièvement à Berlin, pour ensuite s’installer à Anvers.

Au sein du foyer familial, les parents de Dvoïrele lui offrent deux exemples qui contrastent l’un avec l’autre. Le père, rabbin orthodoxe fermé à l’apprentissage séculaire, est décrit comme un homme simple et bon, dont la naïveté est à la limite de l’inconscience. La mère, fille de rabbin, est présentée comme érudite, intelligente, et plus ouverte à la littérature séculaire que le père. Dvoïrele, elle, balance entre son empathie et la naïveté qu’elle a héritée de son père, sans pourtant s’intéresser particulièrement au judaïsme, et une soif d’apprendre inspirée de sa mère, qu’elle n’a pourtant pas l’occasion d’étancher franchement. 

Peisakh et Leah Zilberman de Bar, en Ukraine, où ils se sont installés après avoir été chassés de leur village par les lois de mai de 1882. Leurs six enfants ont émigré aux États-Unis et n’ont jamais revu leurs parents.

En dehors de chez ses parents, Dvoïrele est exposée aux grands courants idéologiques en essor dans les milieux juifs polonais de l’époque, tels le socialisme et le sionisme. Enfin, le roman se clôt sur le déclenchement de la Première Guerre mondiale et le pressentiment de tous les bouleversements sociaux, culturels, et politiques à venir.

Ainsi, La danse des démons décrit la trajectoire d’une jeune fille formée par une époque mouvementée, qui cherche à tracer sa voie au sein d’un monde en plein transformation. Et pourtant, si le roman offre des perspectives d’émancipations futures, c’est bien le récit d’un échec personnel, d’une éducation qui finit en impasse. Malgré les possibilités de l’époque qui s’ouvrent pour les femmes, Dvoïrele est gouvernée jusqu’au bout par les règles sociales qui lui sont fixées et dont elle n’arrive pas à se libérer.

Un roman féministe

Dès les premières lignes, La danse des démons dénonce la façon dont est traitée Dvoïrele au sein de sa famille juive orthodoxe car elle est une fille. Le roman s’ouvre ainsi : « “Mikhaïl deviendra, Dieu soit loué, un savant talmudiste.” Ces mots, Dvoïrele les entendait de temps à autre de la bouche de son père, Avrom Ber, le rabbin de Jelehitz s’adressant à sa mère […] “Et moi, que vais-je devenir, mon petit papa ? ”demandait parfois Dvoïrele à son père, mi-plaisante, mi-sérieuse, car jamais encore elle n’avait entendu quiconque faire son éloge. Avrom Ber ne lui répondait jamais rien la plupart du temps, il lançait parfois qu’une fille n’a nul besoin de devenir “quelque chose” », p.15-16.

Au lieu de recevoir une quelconque éducation, comme son frère Mikhaïl, ou bien d’apprendre un métier, Dvoïrele devient très tôt la ménagère de la famille. Elle souffre dès le début du roman de l’injustice de sa situation ; elle envie la relative liberté de Mikhaïl, et désire devenir « quelque chose ». Le développement du récit, toutefois, montre comment les milieux traditionalistes empêchent les femmes de développer une indépendance financière et même intellectuelle, et donc de faire leurs propres choix de vie.

Femme juive /1920/Pologne

D’abord, dans le monde représenté par Kreitman, ce sont les hommes qui exploitent les femmes. Par exemple, sans jamais l’aider ou montrer de l’empathie pour sa lourde charge domestique, Mikhaïl se moque constamment du manque d’intelligence qu’il suppute à sa sœur.

Le portrait du père est plus ambigu. En effet, d’un côté la bonté d’Avrom Ber est l’objet d’admiration de son entourage, à commencer par Dvoïrele et sa mère. D’un autre côté, le récit suggère que son innocence et son esprit rêveur reposent sur le travail invisible – domestique et intellectuel – des femmes de sa famille, sans lequel il n’aurait pu progresser dans sa carrière de rabbin, ou même survivre financièrement. Ainsi, bien qu’Avrom Ber soit critique de l’érudition de sa femme, il est bien content d’utiliser ses connaissances bibliques ou son intelligence pour les décisions de la vie pratique : « il ne s’adressait à Reizele que lorsqu’il avait besoin d’un avis en matière de sujets profanes, ou bien encore s’il avait besoin de la référence d’un verset de la Bible, puisque ne l’ayant guère étudiée, il devait avoir recours à sa femme », p.17. Avrom Ber entrave également les efforts de sa fille pour s’éduquer par elle-même en cachant hors de sa portée le seul livre séculaire et en russe qu’il possède et qu’il n’a pu lui-même assimiler, au titre significatif : la Méthode pour étudier seul, de Naïmanovitch. Finalement, c’est son père, autant que sa mère, qui pousse Dvoïrele à accepter un mariage arrangé et douteux, qui lui répugne.

Les autres hommes de la famille de Dvoïrele, et ceux qu’elle croise à l’extérieur, ne sont guère plus sympathiques. Du beau-frère qui laisse sa femme enceinte travailler et s’occuper de la maison pendant qu’il passe ses journées à jouer aux cartes, au bedeau qui prend congé de chacun de ses parents et de Mikhaïl, mais ignore Dvoïrele, elle conclut tristement : « Tous, ils sont tous les mêmes », p.137.

L’univers religieux dépeint par le roman est d’autant plus sombre que la conclusion de Dvoïrele ne s’applique pas exclusivement aux hommes, mais concerne également les femmes. En effet, les relations féminines représentées dans le roman ne sont pas caractérisées par la solidarité et l’entraide, mais plutôt par l’individualisme et un esprit de compétition.

La relation de Dvoïrele avec sa mère, son premier modèle féminin, se révèle conflictuelle. Malgré sa propre érudition et sa passion pour la lecture, la mère ne soutient pas les efforts de Dvoïrele pour s’éduquer : elle prétend que « Ce n’est pas la peine », p.25. Elle décourage Dvoïrele et se moque d’elle de connivence avec son fils qu’elle favorise, tout en exploitant sans scrupules son labeur domestique. Sa santé est fragile, et le récit suggère qu’elle est également dépressive. Ainsi, alors même que la mère ressent tous les effets du manque de liberté et d’opportunités des femmes de leur milieu religieux, elle se conforme dans toute sa contradiction à ses attentes genrées et, en ce qui concerne Dvoïrele, se range du côté de ses oppresseurs. Par conséquent, Dvoïrele ressent certes de l’amour et de l’admiration pour sa mère, mais également une colère plus aiguë encore que contre son père et son frère.  

Mère et fille/Photographie de Roman Vishniac

Les autres personnages féminins qui apparaissent brièvement dans le roman se révèlent rarement compatissantes, auquel cas leur amitié est de courte durée. Telles, par exemple, la femme de l’infâme rabbi de R., ou Baïlke, qui s’éloigne de Dvoïrele car elle est jalouse de l’amour que lui porte Simon, un militant socialiste. 

Dvoïrele prend donc conscience au cours du récit de sa solitude radicale, tant par rapport aux femmes qu’aux hommes. Elle veut trouver sa propre voie, mais faces aux difficultés du parcours se laisse envahir par l’amertume et le désespoir.  

Une écriture qui se cherche

La danse des démons est un roman aux nombreuses failles : son écriture, son genre, sa voix narrative sont instables d’une manière qui semble incontrôlée. Cependant, ces imperfections sont justement ce qui fait l’intérêt du roman, car elles reflètent la quête de la protagoniste pour se découvrir et se construire en-dehors des attentes familiales et sociales.

Premièrement, bien que La danse des démons possède toutes les caractéristiques d’un roman de formation, le récit s’éparpille dans des expérimentations stylistiques dont l’intérêt reste à prouver. Ainsi, sur un mode épisodique, le roman suit les étapes importantes et changements tangibles dans la vie de Dvoïrele. Chaque nouvelle expérience est riche en enseignements : elle connaît l’hypocrisie religieuse, la pauvreté, la modernité de la grande ville, un amour impossible et un mariage malheureux. Certains épisodes, cependant, non seulement ne font pas progresser le récit principal, mais encore n’excellent pas dans le genre littéraire qu’ils adoptent. Par exemple, l’épisode du « rabbi des voleurs » offre une vignette pittoresque, au ton picaresque, de la vie à Varsovie, mais il n’est ni particulièrement comique, intéressant, ou instructif. Une autre anecdote, celle de la femme que Dvoïrele soupçonne à tort d’avoir volé sa ceinture lors du service de Yom Kippour, semble superflu.

Ensuite, l’écriture de Kreitman manque parfois de clarté. La syntaxe est défectueuse par endroits, des virgules sont maladroitement placées. Ceci est peut-être en partie dû à la traduction du yiddish au français, qui devient évidente dans certains passages, par exemple lorsque l’écriture s’efforce de rendre un parler familier.  

Finalement, la fragilité de la voix narrative traduit un manque d’assurance et le sentiment d’une identité instable. La narration, menée depuis le point-de-vue de Dvoïrele à la troisième personne du singulier, bascule dans quelques passages d’émotion intense au « je » ou au « tu ». Au cours de l’épisode du « rabbi des voleurs », la narration adopte à un moment le point-de-vue de ce personnage cocasse, choix exceptionnel dans le roman et qui n’est pas convaincant.

Ainsi, l’écriture incertaine et imparfaite de La danse des démons est une expression de la recherche d’identité de la protagoniste. Dvoïrele souffre d’un manque de direction, elle cherche à donner du sens à son existence en-dehors de son oppression familiale et communautaire. Elle s’enthousiasme un moment pour le socialisme, mais cet intérêt ne se concrétise jamais dans un réel militantisme. Comme le remarque Simon, objet de l’amour impossible de Dvoïrele : « Elle a besoin de quelque chose à quoi se raccrocher », p.203. La fréquentation d’un groupe de jeunes socialistes n’inspire finalement à Dvoïrele qu’un désir renouvelé de servir un homme, Simon cette fois-ci, illustrant ainsi sa difficulté à changer sa manière de penser : « Elle le vénérait peut-être plus encore maintenant. […] Elle va travailler sous sa direction, accomplir un grand idéal. […] Elle le servira, le protégera, afin qu’il ait de la force pour travailler. […] On doit s’occuper de lui. », p.194.

C’est donc à des obstacles intérieurs aussi bien qu’extérieurs à elle-même que se heurte Dvoïrele. Son imagination et sa compassion, qui lui font désirer une vie meilleure, ne lui laissent pas assez de force pour actualiser ses projets d’indépendance : « Chaque nuit ou presque, allongée sur son lit, elle se disait qu’elle allait se débarrasser du joug de la maison et se mettre à étudier. […] Mais tout cela ne restait que songes agréables qu’elle caressait le soir au coucher. Le matin, tout redevenait comme avant, et chaque jour, semblable à l’autre. Elle continuait à se charger de tout à la maison, portait le fardeau sur ses frêles épaules. Elle était trop sentimentale et n’avait pas le courage non plus d’oser dire, une fois pour toutes, qu’elle « n’aiderait » plus sa mère malade, elle s’y attelait donc à nouveau », p.105-106.

La tragédie de son histoire réside en ceci : la libération que Dvoïrele désire ardemment, est le choix qu’elle trouve impossible à concrétiser. Finalement, conclut-elle, « C’est moi-même qui me fais du mal. », p.239. Cette impossibilité à agir explique l’écart, qui se creuse au fur-et-à mesure du récit, entre ses désirs et sa réalité quotidienne.

Le rêve et la réalité

Dès lors que Dvoïrele accepte à contrecœur de se marier, l’écriture prend une tournure sombre et tragique : la protagoniste se sent alors menacée par une descente dans la folie. Les premiers signes de dissonance cognitive se manifestent dans la contradiction, que Dvoïrele n’arrive pas à dépasser, entre ce qu’elle veut et ce qu’elle fait : « Mon Dieu, pourquoi fais-je toujours exactement le contraire de ce que je voudrais ? Je sais parfaitement que l’on ne doit pas agir ainsi, je suis furieuse contre moi-même, et pourtant je refais exactement la même chose, la même idiotie, la même bêtise ! », p.238. Cette impasse psychologique mène Dvoïrele non seulement à douter de ses facultés et de sa raison, mais encore à se dissocier de son corps et de la réalité qui l’entoure.

Esther Kreitman/ Avant 1912

Les « absences » de Dvoïrele se manifestent lors de son mariage : « On l’invite à danser une danse hassidique. Elle voudrait dire quelque chose mais ne dit rien. Elle ne veut pas danser mais danse. Comme dans un rêve, elle se sent happée par un tourbillon, parmi des inconnus, elle tient le bout d’un mouchoir de poche rouge et elle danse. », p.264. Il s’agit ici de der sheidim tants, la fameuse « danse des démons » : c’est un rituel de mariage typique du hassidisme polonais, auquel le titre du roman fait référence. Le nom de la danse décrit l’impression que ceux qui y participent abandonnent le contrôle de leurs corps et esprits à des pouvoirs surnaturels et maléfiques. Cette « danse des démons » illustre ainsi l’aliénation de Dvoïrele, qui progressivement se retrouve étrangère à sa vie réelle ainsi qu’à son propre corps. De plus, la description de sa sensation d’être « comme dans un rêve » suggère que, pour Dvoïrele, la relation entre réalité et imaginaire commence à s’inverser. Par exemple, la colère que ressent Dvoïrele envers son entourage et sa situation qui lui paraît inextricable se transforme en paranoïa : « Elle devenait soupçonneuse, voyait des ennemis partout. Pour peu qu’on lui dît un mot gentil, elle y voyait de l’hypocrisie. Si, au contraire, on se montrait réservé à son égard, elle y voyait une hostilité sans remède », p.300. La faim, qui hante la vie de jeune mariée de Dvoïrele, ne fait que stimuler son imagination délirante.

Dvoïrele fait donc l’expérience de la réalité comme d’une fiction dans laquelle elle est plongée, ou d’un cauchemar dont elle va bientôt se réveiller, et elle ressent ses désirs et fantasmes avec une intensité qui les lui font apparaître comme réelles. C’est ainsi qu’un beau jour, Dvoïrele décide sur un coup de tête de fuir Anvers et son mari pour retourner à Varsovie : « Tout à coup, comme dans un rêve, elle saute du lit, rassemble ses affaires, son habit de noce, sa chaîne d’or, la montre de son mari », p. 309. Ici, l’écriture imite l’état psychologique de la protagoniste en représentant son rêve comme s’il était réalité. Sans verser complètement dans le fantastique, le récit de la fuite de Dvoïrele flirte alors avec l’étrange. L’écriture fait en même temps penser à Dostoïevsk, aux films de l’expressionisme allemand et aux récits psychanalytiques de Freud. Finalement, malgré le statut de cliché littéraire du « récit qui n’était qu’un rêve », ici ce stratagème fonctionne car non seulement l’effet de surprise est réussi stylistiquement (contrairement aux autres expérimentations littéraires du roman) mais encore ce motif s’inscrit dans la progression thématique du roman. 

L’objet de la fuite de Dvoïrele est, bien sûr, la liberté. Cependant, la description de cette libération à travers le biais du rêve révèle que, paradoxalement, Dvoïrele ne se sent libre que dans un moment où elle n’est pas consciente et donc ne peut être responsable de ses décisions : « Un étrange abandon, qui n’a rien de volontaire ni de délibéré, qu’elle n’a pas décidé, un abandon inconscient, naturel, a pris possession d’elle pour la secourir, la vaincre, et l’a complètement libérée de tout souci, de toute responsabilité. […] Elle est libre et ne pense à rien, pas même à sa propre personne. Libre ! », p.311. Dans son rêve, Dvoïrele comprend la liberté comme une sorte de mort cérébrale. Ainsi, jusqu’au bout elle n’échappera pas à son sort tragique : elle cherche une liberté qui lui échappe et qu’elle n’a pas encore trouvé les moyens d’affronter d’elle-même.

L’actrice Ronit Elkabetz dans Lq vie de Vivianne Amsellem/2014

À la fin du roman, la jeune femme s’enfonce peu à peu dans l’inertie et la dépression. Elle commence alors à ressembler en bien des points à sa mère : elle vit dans son lit, sans s’occuper de rien, servie par son mari qui l’aime et qu’elle méprise. Lorsque le début de la Première Guerre mondiale est annoncé, la narration insiste à plusieurs reprises sur l’indifférence de Dvoïrele. Ainsi, les dernières phrases du roman expriment son désespoir, pour sa destinée individuelle plus que pour le monde : « “Est-ce que tu sais que nous sommes en guerre ?” Dvoïrele buvait son thé en silence. Qu’est-ce que cela changeait ? », p.320.

***

À travers une écriture qui se cherche, c’est le sombre parcours d’une femme en quête de liberté qu’explore La danse des démons. Dvoïrele, anti-héroïne tragique, se débat contre le sort qui lui est réservé en tant que femme, et finalement s’épuise. Les imperfections et l’instabilité de l’écriture expriment ainsi la recherche d’identité de la protagoniste, ce qui rend la lecture du roman fascinante. Malgré le désespoir de Dvoïrele à la fin du roman, l’annonce du déclenchement de la Première Guerre mondiale représente aussi les progrès à venir pour la condition des femmes, tel leur obtention du droit de vote en Angleterre (1918), le pays d’adoption de Kreitman. Quant à La danse des démons, sa première publication en 1936 devance le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, à l’issue de laquelle les femmes continueront d’affirmer et de faire valoir leurs droits, en Europe et ailleurs.

                            Indications bibliographiques

  • Carole Ksiazenicer, « Préface », La danse des démons, Paris, Éditions des femmes, 1988.

Cette préface célèbre l’originalité de l’écriture de Kreitman et soutient que « [c]e qui apparaît sans doute comme une preuve d’inachèvement au plan artistique » dans La danse des démons est en réalité ce qui fait l’intérêt de ce roman.

  • Ari L. Goldman, « The Long Neglected Sister of the Singer Family », The New York Times, 4 Avril 1991.

Cet article célèbre le centenaire de la naissance de Kreitman et souligne l’intérêt résurgent des critiques et chercheurs pour son œuvre, qui la distinguent de celles de ses frères.  

  • Daniel Septimus, « Esther Kreitman », Jerusalem Post, 18 Novembre 2005.

À travers une comparaison avec la Judith Shakespeare imaginée par Virginia Woolf dans son essai Une chambre à soi, cet article porte un regard critique sur l’œuvre de Kreitman, estimant que son écriture n’arrive pas à dépasser la « patriarchie littéraire ».

  • Faith Jones, « Esther Kreitman », Jewish Women’s Archives, 27 Février, 2009.

Cet article offre une introduction à la biographie et contribution littéraire de Kreitman, ainsi qu’une bibliographie sélective de ses œuvres en yiddish, anglais, et diverses autres langues.