Note de lecture
rédigée par Patrick Sultan
Robert Littell, Conversations avec Shimon Peres, Traduit de l’anglais par N. Zimmermann, Paris, Denoël, 1997.

Bien souvent, les « entretiens » accordés à des journalistes ne sont, pour les hommes politiques, qu’une manière, plus ou moins habile, de défendre leur bilan, de justifier leurs décisions et bien souvent, de s’accorder un satisfecit. Les conversations que Shimon Peres a accordées au journaliste et romancier Robert Little en 1997, ne donnent pas ce sentiment.
Les cinq entretiens qui composent ce recueil ne suivent pas un ordre rigide : ils portent sur des sujets divers… mais ils convergent tous sur la vie et la survie d’Israël. Parlant de lui, Peres ne parle que d’Israël : l’enfance dans son shtetl de Vichneva (en Biélorussie) qu’il quitte avec sa famille en 1934 pour rejoindre un kibboutz de Palestine, son militantisme sioniste aux côtés de Ben Gourion, l’infatigable activité qu’il a menée pour la défense de son pays, les relations avec les Palestiniens…
Même si, par pudeur ou par prudence, il ne se livre jamais tout entier, il aborde sans réticence et avec une grande simplicité tous les sujets que lui présente son interlocuteur. Cela donne lieu à des considérations pénétrantes et perspicaces sur le destin du peuple juif, sur la politique de l’État hébreu mais aussi des portraits rapidement esquissés de fameuses personnalités qu’il a côtoyés au cours de sa longue carrière : De Gaulle, Mendès-France, Mitterrand, Arafat, Kissinger, Itzhak Rabin, Kohl, Reagan, Clinton … et même Giscard d’Estaing. De ce dernier, il dit : « Son éducation ne lui a pas permis de comprendre ce qu’est la Torah, ce qu’est le peuple juif. Il était complètement inconscient de son importance. Je veux donc dire par là que la tendance naturelle des catholiques … est de considérer l’expérience juive comme un vent si lointain qu’ils ne peuvent même pas l’identifier ».
Cet homme de conviction n’est, cependant, jamais unilatéral ou péremptoire mais toujours spirituel et nuancé. Jamais dans l’accusation ou la plainte, dans l’amertume ou le regret : « Nous ne sommes pas nés pour être satisfaits. Nous sommes un peuple insatisfait, un peuple qui exige toujours plus de lui-même, un peuple qui ne connaît en électricité que la haute tension… Le peuple juif est une Genèse en mouvement. Il n’en est pas encore sorti – ce qui a été fait pendant les sept premiers jours est tellement plein d’imperfections qu’il ne nous faudra pas moins du reste de notre vie, du reste de l’éternité, pour le corriger. ».