Note de lecture
Rédigée par David Encaoua
Stefano MASSINI, Les frères Lehman, Titre original : Qualcosa sui Lehmann, Traduit de l’italien par N. Bauer, Paris, Globe, 2018.
Quiconque apprécie les sagas familiales au long cours devrait se délecter de la lecture de ce livre. Et ce pour plusieurs raisons.
La première est que l’événement de la chute de la banque américaine, Lehman Brothers, est encore inscrit dans nos mémoires qui ne demandent qu’à être vivifiées. Que sait-on au juste de ceux qui ont fondé l’empire ? C’est précisément ce qui précède cette chute qui constitue la trame centrale de l’ouvrage.
Ensuite, le style adopté par Stefano Massini pour rendre compte de cette saga est d’une grande originalité : ce n’est ni de la prose ni de la poésie, mais une série de versets assez courts qui empruntent à la fois aux contes populaires et aux récits bibliques, versets qui se développent sur plusieurs chapitres, un peu comme les péricopes de la Torah. Autant dire que la lecture est captivante, ce qui fait qu’on arrive au terme de ce volumineux ouvrage assez rapidement.
La troisième raison est que les traditions culturelles juives sont partout présentes dans ce livre : depuis la ville de Rampal en Allemagne, d’où les fils d’un marchand de bestiaux décident de s’embarquer pour l’Amérique, en direction d’abord de l’Alabama, terre de plantations de coton, avant que les générations suivantes ne s‘installent à New York, n’y développent tout un ensemble d’activités sous l’emblème commun « Lehman Brothers », jusqu’à la banque du même nom et l’empire financier dont elle fait partie.
Ces traditions culturelles se manifestent d’abord sur le plan linguistique, l’expression favorite étant Baroukh Hachème/Béni soit le Nom, employée à toutes les occasions, comme une espèce de talisman protecteur, mais dont l’emploi est de moins en moins fréquent au fur et à mesure de l’accession aux sommets du monde par la troisième ou quatrième génération. Les traditions culturelles juives se manifestent également dans la synagogue, réformée comme il se doit aux États-Unis, où l’accès aux places du premier rang est âprement recherché, et donc disputé, entre les Goldman, les Sacks, Lehman et consorts.
Enfin, comme dans tout roman juif, les problèmes matrimoniaux concernant le choix du conjoint, épineux, ne sont jamais absents et l’auteur prend un malin plaisir à décrire avec beaucoup d’humour mais aussi beaucoup d’empathie, toutes les péripéties présidant à ce choix, car il y va de la tradition familiale des Lehman !
Pourquoi et comment l’empire s’est effondré ne fait l’objet que des toutes dernières pages du livre, dans lesquelles on notera que le Nom n’est plus invoqué. C’est donc essentiellement l’extraordinaire aventure qu’a été l’accession des Frères Lehman aux commandes d’une composante importante de la vie américaine, et new-yorkaise en particulier, qui fait l’essentiel de cet ouvrage.
On accède ainsi à tout un savoir, vivant et bien documenté, sur les mœurs et coutumes de ce grand pays que sont les États-Unis.