Le sort des Juifs d’Afrique du Nord sous Vichy

par Jean-Luc Landier


 Michel ABITBOL, Les  Juifs dAfrique du Nord sous Vichy, Première édition en 1983 aux Éditions Maisonneuve et Larose, Paris, CNRS Éditions, 2012, Collection « Biblis ». 


La persécution des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale ne s’est pas seulement déroulée en Europe. Les Juifs d’Afrique du Nord ont eux aussi été frappés par tout un arsenal de mesures discriminatoires et spoliatrices, à la seule initiative des représentants français du régime de Vichy, qui veillèrent à maintenir ces dispositions, en dépit même du débarquement allié de novembre 1942. Les Juifs tunisiens ont même été directement aux prises avec les nazis et ont échappé de peu au sort réservé aux Juifs européens.
La victoire des Alliés permit certes aux populations juives de recouvrer progressivement tous leurs droits, mais la guerre provoqua aussi de profonds bouleversements qui mirent fin à leur présence millénaire en Afrique du Nord.
Michel Abitbol rappelle, dans un essai historique d’une grande rigueur, un épisode mal connu de la tragédie du peuple juif pendant la Seconde Guerre mondiale.

Un antisémitisme exacerbé par la domination coloniale française

Présents  depuis l’Antiquité, plusieurs siècles avant la conquête arabe, les Juifs d’Afrique du Nord ont été soumis pendant des siècles au statut de dhimmi sous l’autorité de souverains musulmans dont ils étaient des sujets de statut inférieur, à la fois méprisés et tolérés. Leur sujétion à l’autorité musulmane les exposait à de multiples obligations spécifiques (vêtements distinctifs, limitations dans l’exercice du culte, corvées) et à l’acquittement d’un impôt spécial, la djizya. Quand la société musulmane connaissait une période d’instabilité, la situation des Juifs se détériorait : obligation de se convertir à l’époque des Almohades (XIIème siècle), massacres, persécutions, règne de l’arbitraire. Mais il y eut aussi des périodes de paix, d’harmonieuse cohabitation, voire de proximité culturelle, linguistique et de partage d’une civilisation. Les sultans du Maroc nommèrent même des vizirs juifs, et, au XVIIème siècle, furent représentés en Europe par des Juifs. Comme dans toute société musulmane, les communautés vivaient séparées mais côte à côte.
Avec la colonisation en Algérie,  ou la sujétion de la Tunisie et du Maroc à la France, cette situation prit fin ; s’ouvrait pour les Juifs du Maghreb la voie européenne et se présentait pour eux l’opportunité de choisir les voies de la modernité et ainsi d’avoir un autre destin que celui de leurs voisins musulmans.

Les Juifs « français » d’Algérie

La communauté juive d’Algérie adopta tôt et très vite la langue et la culture du colonisateur français : elle fut, dés le milieu du XIXème siècle, soumise au droit civil français, abandonnant ainsi son statut personnel. Ses enfants fréquentèrent  l’école française. L’autorité du Consistoire Central de France fut étendue à l’ Algérie où des rabbins formés au Séminaire israélite de Paris furent dépêchés.
Mais le tournant radical dans l’évolution du judaïsme algérien fut, bien évidemment, l’adoption du décret Crémieux (24 octobre 1870), qui conféra en bloc la citoyenneté française à l’ensemble des Juifs d’Algérie, séparant définitivement leur sort de celui des musulmans.
La communauté juive d’Algérie, qui connut une promotion sociale rapide, surtout dans les grandes villes, se heurta, peu après la mise en oeuvre du décret émancipateur, à l’hostilité radicale de la population d’origine européenne. La participation des Juifs aux élections, conformément à leurs nouveaux droits de citoyens, attisa la haine farouche et durable de la communauté européenne dans son ensemble ; elle voyait dans le vote juif une étape vers l’octroi des mêmes droits aux Musulmans, engrenage qui pouvait entraîner la perte de ses privilèges.
L’agitation antisémite se donna libre cours à la fin du XIXéme siècle, attisée par l’affaire Dreyfus en métropole : Max Régis, dont la haine antisémite était le seul programme, fut élu à la mairie d’Alger ; comme fut élu à Constantine Morinaud, homme de gauche antisémite ; et Drumont, l’auteur du manifeste antisémite La France juive, fut député d’Alger. 
Les Juifs d’Algérie furent victimes de multiples exclusions (des marchés publics, des associations professionnelles…). La haine anti-juive trouva son exutoire lors de l’ émeute de 1898 qui éclata à Alger. 
Cet antisémitisme des Européens connut une pause relative pendant la Première Guerre mondiale, à laquelle les Juifs d’Algérie participèrent courageusement (2000 tués), mais se manifesta à nouveau avec virulence avec la crise des années 1930. 
Parallèlement, s’exacerbèrent les tensions latentes entre Juifs et Musulmans, liées à la condition de dhimmi à laquelle les Juifs, en constante progression sociale, avaient échappé depuis l’arrivée des Français, et surtout depuis le décret Crémieux.
Lors du pogrom de Constantine d’août 1934, vingt-huit Juifs furent assassinés par la populace arabe, sans que l’armée française intervienne pour les protéger. Le pogrom attestait le fort ressentiment des masses musulmanes à l’égard des Juifs, toujours perçus comme des dhimmis et jalousés en raison de leur position d’intermédiaires commerciaux avec les paysans musulmans.

Constantine/Magasin d’Abraham Zaffran, au 8 rue Rouaud, saccagé lors du pogrom de 1934/Collection Jocelyne Esther Nakache (Zaffran-Attali)/Source : Site https://www.judaicalgeria.com

L’agitation antisémite fut condamnée par l’élite musulmane, en particulier par  le Cheikh Ben Badis, et par Tayeb El Oqbi. Elle fut, en revanche,  encouragée par la presse européenne, dont l’antisémitisme reposait sur la volonté de préserver  les hiérarchies coloniales. Les pouvoirs publics, informés par des rapports de police influencés par l’antisémitisme, ne firent rien pour dissiper cette atmosphère délétère, exacerbée par l’influence nazie.

Les Cheikh Ibn Badis et El Oqbi

Les hommes politiques d’Algérie, notamment l’abbé Lambert et Émile Morinaud,  réussirent avec un certain succès à attiser l’antisémitisme auprès des masses musulmanes, en faisant en particulier référence à la question palestinienne. Quant aux responsables de la Fédération des élus musulmans, Ferhat Abbas et Mohammed Bendjelloul, encore adeptes d’une politique de réformes dans le cadre français, ils gardèrent leurs distances à l’égard de la propagande antisémite, tout en regrettant l’indifférence des Juifs d’Algérie vis-à -vis du sort de la population musulmane.

L’antisémitisme français au Maroc et en Tunisie, produit de la dépendance coloniale

Au Maroc, c’est la conjonction de la propagande antisémite française d’extrême-droite, active dans la presse, et du ressentiment des Musulmans à la suite des tensions en Palestine, qui créa un climat antisémite ;  des incidents violents survinrent à Casablanca, Rabat et Tanger. Les dirigeants nationalistes marocains, en particulier Al Wazzani et Bannuna, étaient en effet sous l’influence de Chakib Arslan, journaliste libanais réfugié à Genève et idéologue du panarabisme, proche du mufti de Jérusalem, qui cherchait à miner l’autorité française au Maroc.
En Tunisie, la propagande fasciste italienne cherchait également à porter atteinte à l’image de la France. La propagande italienne prit un cours antisémite après l’adoption des lois raciales de 1938 en Italie. En revanche, le mouvement nationaliste du Néo Destour de Bourguiba resta imperméable à la propagande anti-juive.
L’Allemagne nazie menait, au reste, une campagne soutenue de propagande pour miner les positions françaises en Afrique du Nord. Cette action était constante au Maroc, auprès des milieux nationalistes, par l’intermédiaire de négociants allemands qui étaient en fait des agents des services secrets. Les émissions en arabe et kabyle de Radio Berlin attaquaient la France, et désignaient les Juifs comme les agents de son pouvoir. Dans ces émissions, le Troisième Reich se présentait comme l’allié des peuples arabes, en particulier en Palestine.
Dans les trois pays du Maghreb, la réaction des Juifs fut comparable : boycott des produits allemands puis italiens ; solidarité avec les Juifs européens persécutés ; défense de l’autorité de la France émancipatrice ; soutien aux organisations démocratiques et antiracistes comme la LICA ou la Ligue des Droits de l’Homme.
Les réactions d’auto-défense de certains groupes de jeunes, comme le Bétar, conduisirent toutefois les responsables communautaires à une prudente frilosité.
En septembre 1939, dés la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne, les jeunes Juifs marocains et tunisiens furent nombreux à vouloir s’engager dans l’armée française, qui les éconduisit souvent. Les Juifs d’Algérie, pour leur part, furent mobilisés comme tous les citoyens français.

L’antisémitisme à la française (juillet 1940-novembre 1942)

L’arrivée au pouvoir de Pétain et la mise en oeuvre de la Révolution nationale furent accueillis avec enthousiasme par les Européens d’Afrique du Nord.   
L’engouement pour le Maréchal fut encore plus unanime qu’en métropole, avec une large implantation de la Légion des Combattants, le quasi parti unique créé par Pétain. La presse se déchaîna contre les Juifs, en Algérie en particulier, où l’abolition du décret Crémieux – revendication traditionnelle des antisémites d’Algérie -, fut réclamée d’emblée par une très large part de l’opinion européenne. Après la destruction de la flotte française par les Britanniques à Mers El Kébir, un climat de suspicion pesa sur les Juifs d’Algérie, soupçonnés de sympathies pro-anglaises.
Le statut des Juifs fut adopté par le gouvernement de Pétain dés le 4 octobre 1940, sans qu’il y eût la moindre demande allemande. Cette initiative strictement française entra en vigueur en Algérie et fut aussi mise en application dans les protectorats de Tunisie et du Maroc après ratification par les souverains, le Bey de Tunis et le Sultan Mohammed V du Maroc.
Dés le 7 octobre, Vichy mit, d’ailleurs, fin au décret Crémieux, réduisant les citoyens français juifs d’Algérie au rang de sujets, soixante-dix ans après leur pleine intégration à la nation. Les fonctionnaires juifs furent licenciés, les professions libérales soumises à un strict numerus clausus, tant en Algérie qu’au Maroc et en Tunisie. De rares exceptions furent accordées aux anciens combattants décorés, blessés ou mutilés.
L’application de ces mesures fut très rigoureuse en Algérie mais plus souple au Maroc, aux termes d’un dahir du sultan, et plus libérale encore en Tunisie.
En Algérie, le recteur de l’Université d’Alger, Hardy, mit en oeuvre, avec l’accord des gouverneurs Abrial puis Weygand, un numerus clausus scolaire et universitaire, allant beaucoup plus loin que les mesures antisémites prises en métropole. Les enfants juifs furent ainsi chassés des écoles primaires (présence plafonnée à 14 puis à 7/100) et des lycées, et les étudiants soumis à un numerus clausus rigoureux, à la satisfaction des associations étudiantes algéroises.
Le second statut des Juifs, produit par Vallat, commissaire aux questions juives, le 2 juin 1941, contenait de nouvelles restrictions, et prévoyait le recensement des Juifs en Afrique du Nord, afin de mettre en oeuvre « l’aryanisation économique », c’est-à-dire la spoliation des Juifs.
Le décret du 21 novembre 1941, appliqué en Algérie, visait l’élimination de toute “influence juive” dans l’économie nationale. Des administrateurs provisoires  furent nommés par le gouverneur général dans les entreprises possédées par des Juifs. La mission des administrateurs, rémunérés par l’entreprise, était de préparer sa liquidation, comme en métropole. 
Si nombre d’Européens cherchèrent à en profiter, les Musulmans s’abstinrent, dans leur ensemble, de se porter acquéreurs d’entreprises juives. Toutes ces mesures furent prises dans un climat étouffant, la presse nord-africaine se déchaînant contre les Juifs, et la police se livrant à des tracasseries permanentes et à des contrôles tatillons, les Juifs étant soupçonnés de marché noir.
Des mesures identiques furent envisagées pour la Tunisie, mais leur mise en oeuvre fut étalée dans le temps par le résident général, l’amiral Esteva, dont les atermoiements, inspirés par sa foi chrétienne, irritèrent Vallat. Les beys de Tunis, successivement Ahmad Bey et Moncef Bey, exprimèrent leur sympathie à leurs sujets juifs, mais leurs pouvoirs étaient très limités. 
En Tunisie, la France était avant tout soucieuse de faire face aux revendications de l’Italie fasciste, qui s’opposait à l’application des mesures discriminatoires aux Juifs de nationalité italienne.
Au Maroc, l’aryanisation économique fut laissée à l’initiative des groupements et syndicats professionnels. L’exclusion des Juifs fut effective dans l’industrie cinématographique et aussi mise en oeuvre par certains groupements d’importateurs. Les Juifs de Fez furent chassés de la ville européenne, et contraints de retourner au mellah. Une rumeur publique tenace attribua au souverain, le sultan Mohammed V, le mérite d’une interprétation souple des mesures antijuives mises en oeuvre avec rigueur par Noguès, représentant de Vichy.

Sa Majesté le Sultan Mohammed V (1909-1961)

L’interprétation de rigoureux historiens ( M. Abitbol, G. Bensoussan) conduit à une conclusion plus nuancée : le sultan ne disposait d’aucune autonomie de décision et avait l’obligation d’entériner les choix du résident général de France; en revanche, en privé, le sultan fit part à plusieurs reprises à des visiteurs juifs du palais qu’ils étaient ses sujets comme les musulmans, et que personne ne pourrait toucher ni à leurs biens ni à leurs personnes.Mais quels étaient ses véritables pouvoirs? Le sultan était, en fait, un souverain humilié, enfermé dans les contraintes pesantes du protectorat colonial, et tout geste de sa part, fût-il symbolique, était une affirmation d’autonomie.
L’autre facteur modérateur au Maroc fut paradoxalement – et c’est peu connu – l’influence espagnole. L’Espagne franquiste, présente au Nord du Maroc et alliée de l’Allemagne, fit en effet pression sur le résident général afin qu’il modère ses projets d’exclusion antisémite. 
Conformément aux mesures mises en ouvre par Vichy en métropole dés octobre 1940, les autorités françaises d’Afrique du Nord procédèrent à l’internement administratif des étrangers, et donc des Juifs étrangers qui s’y étaient réfugiés ou qui s’y trouvaient à la suite de la campagne de France de mai-juin 1940. C’est ainsi que des milliers de Juifs engagés volontaires dans la Légion Étrangère furent internés dans des camps des confins sahariens après leur démobilisation, et affectés en particulier au chantier du chemin de fer transsaharien, vieux projet colonial français qui fut présenté comme un des grands desseins du régime de Vichy. Dans les camps du désert, les internés juifs étaient contraints au travail forcé dix à douze heures par jour, dans des conditions d’une extrême dureté, dans la chaleur et les privations, sous la surveillance de sous-officiers de la Légion antisémite d’origine allemande.Des tortures étaient infligées dans ces camps pour la moindre entorse au règlement, comme le supplice du tombeau : la victime était déposée dans une fosse de moins de deux mètres pendant plusieurs jours ; il lui était interdit de bouger tout en subissant les coups des gardiens arabes ou sénégalais. Plusieurs moururent du fait de ces sévices. 
Quant aux soldats juifs algériens de la classe 1939, ils furent démobilisés, mais non pas libérés ; suite à l’abolition du décret Crémieux, ils furent immédiatement incorporés dans un groupement de travailleurs israélites, au camp de Bedeau, près de Sidi Bel Abbès, ou à Telergma, dans le Constantinois, et contraints à des travaux forcés inutiles, dans des conditions de vie misérables relevant plus du bagne que de la caserne, soumis aux brimades et aux insultes de sous -officiers ou de gardes issus du SOL, la future Milice de Vichy.

Carte des camps d’internement/Établie par Jacob Oliel

Les Juifs réagirent aux mesures antisémites de Vichy par l’incrédulité et la protestation tout d’abord. Comment était-il possible que la France des Droits de l’Homme, dont ils avaient la nationalité (pour les Juifs d’Algérie), dont ils avaient adopté la langue, la culture et les valeurs (pour les Juifs de Tunisie et du Maroc), pût ainsi les rejeter hors de son sein, eux qui lui avaient témoigné amour et fidélité depuis des décennies?
Les mesures antisémites ne pouvaient être une initiative française, elles avaient été nécessairement imposées par l’occupant allemand. C’est ce qu’écrivit à Xavier Vallat, en 1941, le grand-rabbin d’Algérie Maurice Eisenbeth, dont nous rappellerons à plusieurs reprises l’engagement constant et courageux en faveur du judaïsme algérien persécuté. Celui-ci, avec le soutien d’Élie Gozlan, secrétaire général du Consistoire et fondateur du Comité Juif Algérien d’Études Sociales et  avec  le concours du Professeur Robert Brunschvicg, dut créer de toutes pièces et mettre sur pied un réseau d’écoles privées afin d’accueillir les enfants juifs chassés des écoles.

Le Grand-Rabbin Eisenbeth/ Source Photothèque de l’AIU

À la rentrée de 1942, un réseau de soixante-dix écoles primaires et de cinq écoles secondaires, accueillant 20.000 élèves, était en activité. Les centaines d’enseignants exclus de l’Éducation Nationale y dispensaient un enseignement de grande qualité strictement conforme aux programmes officiels, et en dépit des tracasseries incessantes de l’administration de Vichy. 
Jamais cependant, le judaïsme algérien ne prit ses distances avec la vraie France, en dépit des persécutions strictement françaises qui lui étaient infligées. À l’instar de la métropole, le gouvernement général d’Algérie chercha à mettre sur pied une Union Générale des Israélites d’Algérie, homologue de l’UGIF en France. Là encore, le rabbin Eisenbeth fut pressenti par le gouverneur Chatel pour en prendre la présidence. Il ne put constituer aisément une telle institution, dont on connait la mission funeste en métropole. Ce n’est qu’en septembre 1942 que l’UGIA put être constituée. Heureusement, le débarquement allié de novembre entraîna l’abandon de ce projet.
Au Maroc, l’entraide en faveur des réfugiés juifs qui fuyaient l’Europe fut particulièrement active. Avant l’invasion de la zone sud par l’Allemagne, jusqu’à l’été 1942, des centaines de réfugiés avaient en effet pu s’embarquer à Marseille vers le Maroc, dans l’espoir de gagner les États-Unis ou l’Amérique Latine. Une fois parvenus au Maroc, les réfugiés constataient que leur sort n’était guère plus enviable que dans la France de Vichy. Ceux dont tous les papiers étaient en règle – bien peu nombreux  – étaient pris en charge par les comités locaux d’assistance jusqu’à leur départ. La majorité fut internée dans des camps de regroupement. Les institutions juives du Maroc, appuyées financièrement  par les organisations américaines comme le Joint ou la Hicem, déployèrent une importante activité de solidarité en leur faveur. Ce fut principalement l’oeuvre d’une avocate juive marocaine de Casablanca, Hélène Cazes Benattar, qui sut prendre d’innombrables initiatives en faveur des réfugiés, bravant les tracasseries de l’administration française, fournissant aux réfugiés secours matériels et médicaux, nourriture, logement dans l’attente de leur départ, et, pour ceux qui étaient internés dans des camps de travail, une assistance constante afin de les en libérer.

 

Hélène Cazes (1898-1979)

Dans la guerre  (novembre 1942-octobre 1943 )
À la suite de l’abolition du décret Crémieux et de l’adoption du statut des Juifs, de nombreux jeunes juifs algérois exclus des Chantiers de la Jeunesse ou de l’Université s’engagèrent dans une démarche de renforcement sportif en vue de faire face à l’antisémitisme, dans une salle de sports d’Alger dénommée salle Géo-Gras. Ce lieu devint vite le centre d’un des premiers mouvements de la Résistance française, fondé par trois jeunes Juifs, André Témime, Émile Atlan et Charles Bouchara.

Par ailleurs, toujours en Algérie, José Aboulker, étudiant en médecine, constitua dés septembre 1940 des cellules de résistance cloisonnées. Par l’intermédiaire de son cousin Roger Carcassonne, industriel d’Oran, Aboulker rencontra un officier résistant, Henri d’Astier de la Vigerie. L’un et l’autre prirent contact avec le consul américain Robert Murphy, qui était l’envoyé officieux de Roosevelt en Afrique du Nord. Le réseau Aboulker et le groupe Géo-Gras se rapprochèrent par ailleurs, de quelques officiers supérieurs comme le colonel Jousse et le général Mast. Murphy constitua  des réseaux en vue d’amener l’Afrique du Nord dans le camp allié, d’y rallier l’armée française, et de faciliter un débarquement anglo-américain. Les Alliés préparaient en effet, dans le plus grand secret, un débarquement au Maroc et en Algérie, en vue d’ouvrir le second front réclamé par leur allié soviétique. Le soutien ou la neutralité de l’armée française étaient indispensables au succès de l’opération.Le débarquement en Algérie était prévu à Oran et Alger. Dans la nuit du 21 au 22 octobre 1942, les officiers résistants rencontrèrent à Cherchell le général Clark, adjoint du général Eisenhower, commandant en chef allié. Le représentant des résistants civils d’Alger était Bernard Karsenty, âgé de vingt-deux ans, adjoint de José Aboulker. Le débarquement allié eut lieu le 8 novembre 1942. Au Maroc et à Oran, les troupes américaines se heurtèrent à une vive résistance de la marine et de l’armée de Vichy, en trois jours de combats qui entrainèrent  de lourdes pertes des deux côtés. En revanche, le débarquement d’Alger fut précédé par une opération audacieuse de la Résistance, qui empêcha l’armée de Vichy d’entrer en action. 400 jeunes résistants, dont les deux tiers étaient des Juifs d’Alger, prirent le contrôle des bâtiments publics, permettant aux troupes anglaises et américaines de prendre progressivement le contrôle de la ville. Jacques Zermati arrêta le Préfet d’Alger dans des conditions cocasses.
Les résistants placèrent sous leur contrôle le Général Juin, commandant en chef en Afrique du Nord, et surtout l’Amiral Darlan, ancien numéro 2 du régime de Vichy, présent à titre privé en Alger. Ils réussirent ainsi à gagner assez de temps pour permettre aux Alliés de contrôler Alger.
Mais l’objectif principal des Américains était de gagner l’armée française à leur cause, sans chercher à mettre fin au régime de Vichy. Ils ignorèrent donc délibérément la France Libre menée par de Gaulle, mirent en avant le général Giraud, prestigieux officier évadé de France, et acceptèrent finalement de traiter avec Darlan, représentant d’une certaine légitimité française, bien que collaborateur zélé de l’Allemagne nazie.
Le régime de Vichy et ses mesures antisémites furent donc maintenus en Afrique du Nord après le débarquement allié, avec l’accord explicite des Américains : exclusion des enfants juifs des écoles, interdictions professionnelles, exclusion des soldats juifs des unités de l’armée en cours de réorganisation. Le maintien de la législation antisémite de Vichy fut la preuve la plus éclatante de “l’indépendance” française vis-à-vis des Alliés.
La déception des Juifs d’Algérie fut immense, eux qui dans les premiers temps crurent l’heure de la libération arrivée. La répression à l’encontre des résistants du 8 novembre fut très sévère après l’assassinat de Darlan par un jeune monarchiste, et son remplacement par Giraud, l’homme des Américains, militaire dans l’âme et piètre politique, à l’intelligence limitée. Ainsi José Aboulker, son père le professeur Henri Aboulker, et nombre de résistants du groupe Géo Gras furent-ils arrêtés et internés dans les camps du sud algérien. Dans un premier temps, les résistants du 8 novembre et en particulier les jeunes Juifs d’Alger furent les grands vaincus du débarquement allié. La résistance juive en Algérie présentait trois caractéristiques : elle agissait sans le moindre lien avec l’action communautaire juive antérieure ; elle avait un objectif politico-militaire, et non spécifiquement juif ; elle s’allia à des résistants anti-allemands pour la plupart éloignés de la culture républicaine. Si elle portait une marque juive, c’était parce que ses membres étaient les seuls à ne pas accorder leur confiance au régime de Vichy  .
Au Maroc, la politique antisémite de Vichy fut également maintenue sans faiblir après le débarquement américain. Toute manifestation de sympathie des Juifs marocains à l’égard des soldats alliés était sévèrement réprimée. Les organisations extrémistes européennes préparèrent des expéditions punitives contre le mellah de Casablanca après un défilé militaire américain.
Des troubles du même ordre eurent lieu dans les principales villes du pays avec la participation de civils européens et de soldats indigènes. Ces menées antisémites furent condamnées en privé par le sultan lors d’entrevues avec des notables juifs, mais le souverain ne put procéder à une déclaration publique.
Pendant ce temps, la communauté juive tunisienne était frappée de plein fouet par la guerre et confrontée directement au nazisme. En effet, les troupes allemandes débarquèrent à Tunis dés l’annonce du débarquement allié au Maroc et en Algérie, et l’Afrika Korps en retraite, chassée de Lybie par les Britanniques, se replia dans le sud tunisien. L’armée française ne leur opposa aucune résistance dans un premier temps. Les troupes allemandes se maintinrent pendant six mois en Tunisie où eurent lieu de durs combats. L’arrivée de la  Wehrmacht à Tunis fut accompagnée par un Einsatzkommando SS dirigé par le Standartenführer Walter Rauff, qui avait participé à la mise en place de  l’extermination des Juifs de Pologne par camions à gaz. Dés son arrivée, Rauff mit fin aux activités du Conseil de la communauté juive, présidé par Moïse Borgel, et constitua un comité de recrutement de la main d’oeuvre juive, animé par l’avocat et ancien combattant Paul Ghez. Le comité de recrutement fut mis en demeure de fournir aux Allemands dans les délais les plus courts des milliers de travailleurs appelés à fortifier les bases et les aérodromes allemands. L’équipement et l’entretien de ces travailleurs incombait à la seule communauté juive, qui dut faire preuve d’une capacité d’initiative exceptionnelle, dans une atmosphère de terreur, de prises d’otages, de pillages. Elle dut recruter des travailleurs, les soumettre à un examen médical, les équiper, subvenir aux besoins de leurs familles.
En quelques jours, la communauté juive de Tunis mit sur pied, à partir du 9 décembre 1942, jour de la rafle de Tunis, un appareil administratif d’une remarquable efficacité, ignorant les desseins criminels des nazis, dont le projet en Tunisie était identique à celui qu’ils mettaient en oeuvre en Europe : l’extermination, aprés l’exclusion, la spoliation et l’enfermement. 5000 Juifs de Tunis furent envoyés au travail forcé dans une trentaine de c amps, notamment à Bizerte et à l’aéroport d’El Aouina.

Tunis/Juifs conduits au travail obligatoire/Décembre 1942/ Source : Bundesarchiv

Ils furent soumis à des travaux épuisants et à des conditions de survie très difficiles, sous les bombardements alliés incessants, subissant les coups de leurs gardiens. Il y eut de fortes tensions sociales, les dirigeants du comité étant accusés de protéger leurs proches issus des milieux bourgeois, et d’affecter au travail forcé les jeunes des milieux populaires.
Ces tensions, qui faisaient le jeu des nazis, étaient un phénomène général, relevé dans toutes les communautés d’Europe, à l’encontre des Judenräte de Pologne, à Budapest, au sein du camp de Drancy. Partout, les nazis cherchèrent à confier aux Juifs la gestion de leur propre sort, les contraignant à la division pour les affaiblir avant de les mener vers l’extermination.
On estime que, sous l’occupation allemande, 350 Juifs furent tués, surtout à Tunis, et plus d’une trentaine de travailleurs forcés  perdirent la vie lors des bombardements alliés. 600 à 700 personnes moururent de sous-alimentation et d’épidémie. Par ailleurs, des militants d’extrême droite français dénoncèrent aux Allemands une vingtaine de personnalités engagées à gauche, qui furent déportées par avion en Europe et assassinées dans les camps d’extermination.Il y eut enfin le sort tragique de Joseph Scemla et de ses deux fils Gilbert et Jean – Gilbert, polytechnicien sorti dans la botte, avait été officier français-qui avaient le projet de passer en Algérie pour rejoindre les Forces françaises libres, et furent dénoncés aux Allemands par un Arabe de confiance, El Ferjani. Accusés de trahison, ils furent transférés en Allemagne, internés à Dachau, puis jugés et condamnés à mort par un tribunal militaire alemand en juillet 1944. Ils furent tous trois guillotinés – Joseph Scemla après ses fils – dans la prison de Halle en Saxe.
Notons également que les nazis tentèrent de rallier à leur cause l’opinion arabe de Tunisie en se livrant à une propagande à la fois anti-française et antisémite, à laquelle participa le mufti de Jérusalem, Hadj Amine Al Huseyni, réfugié à Berlin. Dans l’ensemble, cette campagne fut un échec. Bourguiba, chef du Néo Destour, parti indépendantiste, refusa l’appui des puissances de l’Axe. Le nouveau bey de Tunis, Moncef Bey, intervint à diverses reprises pour sauver des personnalités juives des griffes allemandes. Et il se trouva un certain nombre de musulmans tunisiens qui abritèrent dans leurs fermes des travailleurs juifs qui s’étaient échappés des camps de travail.

Le lent retour à l’égalité et à la légalité républicaine

La victoire alliée ne permit aucunement aux Juifs d’Algérie et du Maroc de recouvrer immédiatement leurs droits bafoués par Vichy.
Le général Giraud, nouveau haut commissaire de France en Afrique du Nord, ne nourrissait aucune sympathie pour la légalité républicaine ni pour les Juifs, préoccupé qu’il était avant tout par l’effort de guerre et le souci de ménager les populations musulmanes. C’est seulement sous la pression de l’opinion américaine  que le nouveau gouverneur Peyrouton, ancien ministre de l’intérieur de Pétain, annonça en fin janvier 1943 au Grand-Rabbin Eisenbeth une restitution par paliers des biens juifs confisqués, l’abolition du numerus clausus dans les écoles et les lycées, mais pas à l’université, la réintégration graduelle des petits fonctionnaires.

Il n’était pas question de rétablir le décret Crémieux avant la fin de la guerre. Les pressions américaines s’accentuèrent, dénonçant à juste titre la complicité de Murphy avec l’esprit de Vichy. Il fallut l’arrivée à Alger de Jean Monnet comme conseiller politique de Giraud pour que celui-ci accepte de changer de politique, soucieux qu’il était de recevoir avant tout l’armement américain moderne indispensable à la remise sur pied de l’armée d’Afrique. Giraud, dans son discours du 14 mars 1943, annonça la fin des discriminations raciales, mais aussi l’abolition du décret Crémieux, qui fut donc aboli deux fois en deux ans et demi….
Les discriminations professionnelles furent effectivement annulées progressivement, et les biens restitués avec lenteur. L’armée maintint des discriminations, continuant dans un premier temps à exclure les Juifs des unités combattantes. La nouvelle abolition du décret Crémieux par Giraud plaçait les Juifs algériens dans un imbroglio juridique, et, contrairement aux arguments de Giraud et des ex-vichystes, ne satisfaisait nullement les milieux musulmans indépendantistes (Ferhat Abbas et Ahmed Boumendjel), qui y voyaient une preuve nouvelle de l’incapacité de la France à tenir sa parole.
Il fallut toutefois attendre l’arrivée du général de Gaulle à Alger, le 30 mai 1943, et l’éviction politique de Giraud, pour que les Juifs d’Algérie puissent bénéficier de tous leurs droits. Le décret Crémieux ne fut rétabli que le 20 octobre 1943 et seulement par un artifice juridique, parce que l’ordonnance de Giraud n’avait pas été suivie d’un décret d’application…..
En Tunisie, c’est la victoire définitive des armées alliées, en mai 1943, qui mit fin aux mesures discriminatoires et de spoliation dont les Juifs tunisiens avaient été victimes. Et il fallut une intervention américaine pour que le Trésor public français accepte de garantir le remboursement des lourdes dettes bancaires contractées par le judaïsme tunisien pour faire face aux amendes et réquisitions allemandes.


Les Juifs d’Afrique du Nord ont donc bien été victimes de la Shoah. Si la comparaison entre leur sort et celui des Juifs d’Europe, et en particulier d’Europe de l’Est n’a pas beaucoup de sens, ce n’est pas en raison d’une macabre comptabilité du nombre des victimes. Les Allemands n’ont pu mener à bien les phases ultimes du processus d’extermination : l’enfermement dans des ghettos puis la déportation vers des centres de mise à mort, pour des raisons techniques liées à l’éloignement géographique de la Tunisie, et surtout en raison de l’évolution des opérations militaires, qui se terminèrent par leur capitulation en mai 1943. Ils arrivèrent trop tard en Tunisie pour pouvoir réaliser leur projet meurtrier.
Quant au régime de Vichy, le gouvernement légal (à défaut d’être légitime) de la France poussa jusqu’à son terme ultime toutes les mesures proposées par les antisémites français depuis l’époque de Drumont : évictions professionnelles, spoliations, privations de tous les droits civiques, mise au ban de la société allant jusqu’à l’exclusion des enfants des écoles primaires, exposition permanente à des campagnes de haine dans la presse. Vichy cherchait par ailleurs, par ses mesures antisémites, à établir un pare-feu face aux revendications nationalistes musulmanes. Il s’avère que la manoeuvre échoua, les masses musulmanes restant indifférentes et les leaders nationalistes gardant leurs distances à l’égard d’un pouvoir capable de renier sa parole.
Les Juifs, pour leur part, firent face avec dignité à leur mise au ban de la société, réaffirmant, tant en Algérie qu’en Tunisie et au Maroc, leur attachement aux valeurs de ce qui était à leurs yeux, la « vraie France », celle des Lumières et de la République émancipatrice. Ils en apportèrent une nouvelle preuve par leur engagement au sein du Corps expéditionnaire français en Italie, puis au sein de la Première Armée française qui débarqua en Provence, libéra la France et termina la guerre en Allemagne du sud. José Aboulker et Roger Carcassonne furent faits Compagnons de la Libération.

***

L’identification totale des Juifs d’Algérie à la France fut confirmée dix ans plus tard ; l’indépendance de l’Algérie mit fin à cent-trente-deux ans de présence française et contraignit la quasi-totalité d’entre eux à rejoindre la métropole.
Il en fut de même en Tunisie et au Maroc, où la présence millénaire des Juifs prit fin au milieu du XXème siècle : le nationalisme arabe radical exclut les communautés minoritaires et la quasi totalité des Juifs firent le choix de la culture occidentale ou furent attirés par le jeune État d’Israël.
Sans l’ébranlement causé par la Seconde Guerre mondiale, l’Histoire n’aurait pas connu une telle accélération. En quelques années, la présence pluri-séculaire des Juifs en Afrique du Nord est devenue un legs du passé.

Références bibliographiques

André Chouraqui, Histoire des Juifs en Afrique du Nord, nouvelle édition mise à jour en 1987, Paris, Hachette Littérature, 1987.
Présentation par l’auteur :  « L’histoire des juifs en Afrique du Nord n’a jamais cessé d’alimenter ma curiosité dès ma première enfance. Tout m’interpellait dans l’univers où j’ai vu le jour. Il se présentait à moi sous trois volets violemment contrastés, le musulman et le chrétien, avec entre eux le monde juif auquel j’appartenais. Pour m’en convaincre, ma mère m’inondait de ses prières. La maison était immémorablement habitée par la Bible hébraïque, lue, proclamée dans sa langue originale, l’hébreu. Israël était si présent en nos vies qu’il était impossible d’échapper à sa présence. Partout, nous gardions religieusement le souvenir du passé glorieux de nos ancêtres. Exilés de notre terre, la Judée, dans nos exils nous n’avions qu’une mission, celle de conserver la mémoire de notre passé dont nous cultivions les souvenirs, et qu’un but, voir notre peuple ressusciter un jour sur sa terre. Ainsi, ma longue route jalonnée de livres a-t-elle abouti à cette édition définitive, en deux volumes, de l’Histoire des Juifs en Afrique du Nord. Histoire née d’une seule interrogation et d’une même angoisse : d’où venons-nous et où allons-nous ? Au seuil de l’ère atomique, la plupart des juifs sont de retour sur la terre d’Israël dont ils partirent voici deux millénaires. En Afrique du Nord, d’eux, il ne reste rien, sinon leurs cimetières. Ces pages racontent leur singulière histoire qui, partie du Maghreb, renaît en ses sources, sous le ciel de Jérusalem.»

Richard Ayoun, Bernard Cohen,  Les Juifs d’Algérie : 2000 ans d’histoire, Paris, Éditions Jean-Claude Lattès, 1982.

Haïm Zafrani, Deux mille ans de vie juive au Maroc, Paris, Éditions Maisonneuve et Larose, 1983.

Robert Attal et Claude Sitbon, Regards sur les juifs de Tunisie, Paris, Albin Michel, 1979, Collection « Présences du judaïsme ».
Présentation par l’éditeur :  « C’est à une promenade en Tunisie que nous invitent Robert Attal et Claude Sitbon, au pays des jasmins et des couleurs vives mais aussi au pays qui s’honore de faire remonter la présence juive à l’époque du Second Temple. C’est la vie d’une prestigieuse communauté que les auteurs nous proposent de connaître à travers de très nombreux textes d’origines diverses, dont le but est de rendre avec le plus d’éclat la richesse de la civilisation judéo-tunisienne; cette communauté a su développer un art de vivre fondé sur cette étonnante capacité d’adaptation qui se vérifie encore aujourd’hui de, Sarcelles à Jérusalem.
Promenade certes, mais promenade scientifique puisque les textes présentés ici ont été minutieusement choisis, certains d’entre eux d’ailleurs fort méconnus, afin de donner une image aussi fidèle que possible des rythmes juifs de la vie tunisienne avec ses joies, ses peines, ses réussites et ses échecs. Ils sont, à coup sûr, l’illustration d’un destin qui a oscillé en permanence entre .l’harmonie possible et l’impossible osmose.
Au fil des pages nous apprenons à découvrir la littérature judéo-tunisienne, tant écrite qu’orale, le reflet local des principaux événements historiques; bref nous saisissons ici l’ambition des auteurs qui a été de témoigner, dans toute sa diversité et donc dans toute sa beauté, d’une parcelle de la mémoire collective.
A l’heure où pour Israël se lève un espoir de Paix, n’était-il important d’apporter le témoignage d’une coexistence judéo-arabe bimillénaire ?
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