Note de lecture

Rédigée par Raphaël Benoilid

Viktor FRANKL, Découvrir un sens à sa vie : Grâce à la logothérapie, Traduit de l’anglais par C. J. Bacon et L. Drolet, Éditions J’ai lu, 2013.

Une œuvre majeure, tant pour les leçons de vie que son auteur a su tirer de l’expérience des camps (première partie du livre) que pour la théorie thérapeutique qui les prolonge (seconde partie).
L’univers concentrationnaire a révélé au neurologue viennois deux enseignements essentiels. Voici le premier : depuis Auschwitz, affirme Viktor Frankl, nous savons ce dont l’homme est capable. Confronté au pire, il peut certes adopter une conduite répugnante ; mais il peut aussi – comme l’attestent les précieuses anecdotes qui nous sont racontées – s’inventer « saint ». L’auteur en déduit – contre toutes les théories actuelles qui tendent à enfermer l’homme dans un déterminisme – qu’il persiste en toute circonstance chez l’être humain un noyau de liberté inaltéré ; partant, il ne cesse jamais d’être responsable. Frankl note également – et c’est la deuxième leçon fondamentale – que «dans les camps de concentration nazis, les plus aptes à survivre étaient les prisonniers qui avaient un projet à réaliser après leur libération». C’est dire que l’homme vit avant tout de sens.
Frankl fut d’abord un disciple de Freud mais la théorie qu’il a développée suite à l’expérience des camps – la «logothérapie» – est fondamentalement différente de la psychanalyse. Alors que celle-ci est essentiellement introspective et rétrospective, celle-là propose à l’homme de chercher le but de sa vie « à l’extérieur plutôt qu’en lui-même ou dans sa psyché ». L’auteur affirme encore : « plus on s’oublie soi-même en se consacrant à une cause ou à une personne que l’on aime, plus on est humain et on se réalise ». Est-ce bien là ce qu’on entend classiquement par une leçon de « développement personnel » ?! Frankl ajoute que «la logothérapie s’éloigne de la psychanalyse dans la mesure où elle considère que l’être humain cherche avant tout à donner un sens à sa vie plutôt qu’à satisfaire uniquement ses besoins et ses instincts ou à s’adapter à la société et à son environnement ». A chacun de se faire une opinion mais ces critiques adressées à Freud nous semblent, à tout le moins, très stimulantes !
Selon Frankl, la dépression, mais aussi l’agressivité et la toxicomanie procèdent le plus souvent du sentiment d’un vide existentiel. Or, l’auteur soutient que chaque situation est riche de sens potentiels qu’il revient à chacun d’actualiser.

Comment ?

Frankl esquisse trois voies pour y arriver : accomplir une œuvre, aimer quelque chose ou quelqu’un ou encore – s’il n’y a pas d’alternative – métamorphoser en triomphe une tragédie personnelle : «chaque personne fait face à une question que lui pose l’existence et elle ne peut y répondre qu’en prenant sa propre vie en main».
Pour ce qui concerne l’amour, voici encore une note de Frankl qui affirme sa conception de l’homme comme être essentiellement spirituel : «l’amour n’est pas un simple épiphénomène des besoins et des instincts sexuels, une prétendue sublimation. L’amour est un phénomène aussi fondamental que le sexe. En fait le sexe en est l’expression. Il est justifié, sacré même, dès qu’il devient le véhicule de l’amour».
Ce livre est extraordinaire par l’humanité qu’il révèle et le radieux optimisme qu’il manifeste . Il nous semble, à ce titre au moins, éminemment « juif ».