Écouter les voix du shtetl

par Clément de La Vaissière

Yitskhok Laybush PERETZ, Les oubliés du shtetl : Yiddishland (1891), Titre original : בילדער פון א פראווינץ רייזע/Bilder fun a provintzrayze/Tableaux d’un voyage en Province, Traduit du yiddish, annoté et commenté par N. Weinstock avec la collaboration de M. Weinstock, Photos de Roman Vishniac, Préface de J. Malaurie, Paris, Plon, 2007, Collection Terre Humaine-Pocket, « Yiddishland ».

Yitskhok Laybush Peretz est un « maskil« , un intellectuel «émancipé», un partisan des Lumières juives, ouvert à la modernité ; il s’habille à l’occidental et porte la grande moustache des hobereaux polonais. Quand, en 1890, commissionné par le philanthrope Jan Bloch, il entreprend une enquête statistique dans les shtetler ou bourgades juives de la province de Zamosc, dans l’est de la Pologne, il va à la rencontre d’un univers qui ne lui est , cependant, pas tout à fait étranger ; Peretz lui-même est originaire de cette région et issu d’un milieu traditionnel. Il est en terrain connu, donc, même si ses interlocuteurs portent caftan et longue barbe.
Cependant, il «redécouvre» ce monde de grande piété auquel il est devenu étranger … Choqué par la profonde misère où est plongé son peuple, bouleversé par cet univers auquel il n’appartient plus, fasciné par la foi des Juifs observants qu’il rencontre, dérouté par un univers mental qui lui est proche et exotique à la fois, il quitte sa posture d’enquêteur statistique, de savant objectif. Il sera désormais un passeur de mémoire.
Les «Tableaux d’un voyage en Province » qu’il écrit à la suite de cette expérience en 1891 marquent la naissance d’un écrivain, désormais convaincu qu’il devra, par son œuvre, explorer et transmettre sa judéité , sa «yiddishkeit».

Une enquête non-advenue

De l’enquête statistique à laquelle il a participé initialement et qui était son point de départ, ne demeure finalement plus aucune trace… Peretz en a tiré des «impressions de voyage dans l’arrondissement de Tomaszow» en 1891, – qu’il intitule par la suite, Bilder fun a Provinzrayze/Tableaux d’un voyage en Province, sous l’influence de Heinrich Heine, le fameux auteur des Reisebilder. Cette œuvre est fondatrice pour Peretz : il a opté pour la langue du peuple juif, à laquelle il préférait jusque là l’hébreu ; c’est un choix décisif. Mais – plus important encore – ce récit marque chez lui une prise de conscience de la richesse de la tradition populaire, à laquelle il donnera voix dans son œuvre à venir.
L’enquête que mène Peretz est donc non-advenue. Quand lui, le Juif occidentalisé de Varsovie, redécouvre les petits shtetls de sa région d’origine, on le prend pour un étranger à plusieurs reprises. On l’appelle le daytsh (« l’Allemand» en yiddish), c’est à dire le Juif vêtu à la mode occidentale. Il est soupçonné d’être un fonctionnaire de l’administration tsariste… On va jusqu’à le prendre pour un hobereau polonais (porets) à cause de la grande moustache qu’il arbore. Beaucoup de Juifs fuient celui qu’ils voient, au premier abord, comme un étranger ou un représentant de l’administration tsariste crainte et honnie. Car au shtetl, la majeure partie des activités économiques sont informelles. Beaucoup craignent aussi que sa venue n’annonce une hausse des impôts, menace redoutable pour une population plongée dans la misère.
En outre, le principe même de l’enquête statistique se brise contre la mentalité du shtetl, qui ne vit pas selon les mêmes normes que le monde moderne qui se développe alors. Il est impossible de faire entrer cette réalité dans des registres chiffrés. Un homme à qui Peretz demande combien il a d’enfants lui répond ainsi :

«- Combien d’enfants ?
– Nu, mettons six !
– Mettons» ne convient pas. Il faut que je le sache de manière précise
– Eh bien, voyez-vous, c’est justement ce « de manière précise » qui manque de franchise ? Qu’avez-vous besoin de savoir de manière précise ? Qu’est-ce que cela cache? », p.133.

Le jeune garçon à l’avant-plan est le fils et futur successeur du Rebbe d’Aleksandrov/Photographie de Menachem Kipnis/Circa 1930

De plus, les paradigmes d’analyse de la pauvreté qui se développent alors, notamment l’approche marxiste, échouent à rendre compte de la misère du shtetl ; ici, au lieu de lutte des classes, il semble n’y avoir de rapport de force qu’entre la classe des miséreux et celle des faillis… Enfin, l’enquête statistique échoue devant l’ampleur de la misère que l’observateur découvre à chaque coin de rue. Tout au long du texte, Peretz exprime sa stupeur devant l’indigence des Juifs qu’il croise.
L’entreprise statistique est un échec, et Peretz en vient à l’admettre. Son récit s’écarte au fur et à mesure de son objet premier. S’il a bel et bien participé à la rédaction de cette enquête au côté d’autres enquêteurs, celle-ci, ironie du sort, ne sera pas publiée, mais censurée par le régime tsariste. Elle a aujourd’hui disparu. De cette enquête qui échoue, Peretz va cependant tirer un récit ou plutôt une série de vingt-deux tableaux, comme si la littérature était mieux à même que la statistique de dire la misère et l’exubérance du shtetl.

Une évocation saisissante de la vie juive

Peretz ne rapporte «aucun événement narrable», mais parvient cependant à nous faire appréhender de façon remarquable la vie juive, dans une esquisse saisissante de réalisme, qui tient au fait qu’il s’appuie sur des matériaux de première main pour rédiger son récit : ses rencontres avec les Juifs du shtetl et ses notes, parfois retranscrites telles quelles.
Même s’il connaît bien cette province, où il est né, c’est d’abord l’ampleur de la pauvreté qui frappe Peretz, alors proche des mouvements socialistes; il est donc observateur à la fois extérieur et intérieur. Après des années passées à Varsovie, il redécouvre, stupéfait et compatissant, la situation matérielle des Juifs et juge que leur situation, déjà précaire, a empiré.


La misère se présente sous différents visages : délabrement des corps, des habits, des maisons. La plupart des personnages qu’il rencontre sont marqués physiquement, comme cette marchande «qui est âgée de vingt-cinq ans et présente un visage desséché, un long nez crochu – que l’on croirait occuper à compter les dents noires et pourries que laisse apercevoir sa bouche entrouverte – et des lèvres gercées, bleuies et noircies par le froid.», p.52. Même les notables de la communauté sont marqués par la misère, comme le Rov (rabbin) de Tishevits vêtu d’une chemise de nuit en haillons (p.85).
Pour survivre dans ce dénuement, les Juifs développent une gamme infinie de petits métiers. C’est avec une certaine dose d’humour et d’ironie que Peretz décrit cette recherche du gagne-pain quotidien, où les Juifs font preuve d’une inventivité sans limite :

«Il ne m’a fallu pas moins d’une bonne heure pour me rendre compte que Leyvi Itskhok Berenpeltz siège occasionnellement en qualité de juge rabbinique ou d’arbitre ; que de temps à autre, il se transforme en laitier ; qu’il lui arrive également de se livrer au commerce ; que si ça se trouve, il ne dédaigne pas de faire office de shadkhen (courtier matrimonial) ; et que parfois encore l’idée lui vient de jouer au commissionnaire.» , p.137.

Le regard que porte Peretz sur le shtetl est loin d’être idyllique ; il est plutôt pessimiste. La misère est, pour ainsi dire, le personnage principal de son récit, celui qui traverse tous les tableaux aux côtés de l’auteur. La solidarité, quant à elle, semble assez absente du shtetl, ce qui va à l’encontre d’une vision rose du shtetl qui prévaut encore souvent de nos jours.
Dans la vision à la fois comique et tragique de Peretz, les relations entre Juifs sont marquées par la rivalité, les délations, les chicaneries juridiques, les disputes entre époux, à l’image de ce couple qui ne se parle pas depuis quinze ans (p.63). C’est comme si la misère, au lieu de souder, distendait les liens communautaires.
Autre élément topique de notre vision du shtetl, l’antisémitisme, quoique ce soit de manière discrète, est bien présent dans le récit . Les liens semblent très ténus entre le monde insulaire qu’est le shtetl et le monde goy. Un seul personnage non-juif : un cocher polonais
Si Peretz décrit de façon frappante les conditions socio-économiques du shtetl, une grande force de son ouvrage est aussi de nous en ouvrir l’univers mental et religieux. 

Un univers profondément religieux

La religion est partout. En premier lieu, les figures religieuses sont omniprésentes : le « rov » (rabbin), le « shamesh » (bedeau), le « melamède » (instituteur), le « khoside » (membre d’un mouvement hassidique), le « Rèbe » (maître hassidique), la « rèbetsn » (épouse du rabbin), l’étudiant de yeshiva. On peut noter que la plupart de ces termes sont laissés en yiddish sans traduction, ce qui participe à maintenir l’ambiance, un peu de la couleur du texte original.

Ensuite la relation à Dieu : l’auteur montre les habitants du shtetl comme partagés entre un profond désespoir et une confiance naïve en l’Eternel. La misère et la persécution les empêchent d’espérer le bonheur en ce monde. Les plaintes et lamentations à l’encontre de Dieu sont légion et se répandent dans tout l’ouvrage, mais elles sont contrebalancées par une confiance naïve en L’Éternel, qui permet aux habitants du shtetl de survivre.
L’auteur apparaît comme amusé, mais aussi touché par cette confiance naïve en l’Éternel, qu’il entend formulée dès le début de son enquête sur Tishevits :

« C’est pourtant très simple, m’a rétorqué mon hôte. La situation de l’ensemble de la communauté juive : ça c’est l’affaire du Maître du Monde. Et la Providence divine y pourvoit… Cependant – sauf tout le respect dû au trône divin – s’Il venait à l’oublier, il s’en trouverait parmi nous pour le lui rappeler», p.48.

C’est aussi une religion profondément mêlée de superstitions, comme cela apparaît à travers les nombreux récits secondaires mettant en scène des Rèbe, des lamedvovniks (un des trente-six Justes cachés), des dibbek (un démon). Cet univers, encore largement magique, suscite l’intérêt sans mépris du folkloriste Peretz.
La religion apparaît en somme comme une échappatoire hors de la réalité du monde, participant par là de la profonde insularité du monde juif par rapport à l’univers dominant. Peretz le montre dans une scène marquante où il assiste à une discussion talmudique sur les sacrifices au Temple :

«Car seul est enviable le monde de nos jeunes gens, celui du fils du shoykhet [sacrificateur rituel] et de son gendre. Non pas parce que leur monde à eux – celui des défauts qui rendent une bête impropre au sacrifice – rejetterait le nôtre avec ses porcs. Non. Il se trouve simplement qu’il n’existe aucun lien qui rattacherait leur monde au nôtre.», p.144.

Cet univers profondément religieux est cependant très loin d’être monolithique ; il est traversé de tensions. Les querelles de chapelles sont omniprésentes entre hassidime et leurs adversaires misnagdime, tenants d’une approche plus rationnelle et moins mystique de la religion, mais aussi entre maskilim (partisans de la modernité) et traditionalistes.
Face à ce monde irrationnel, extravagant, à la fois si familier et déroutant, Peretz pose le regard réaliste de l’ethnographe, le regard indigné du socialiste, le regard curieux du folkloriste et le regard amusé de l’homme cultivé des villes. Mais face à cette yiddishkeyt retrouvée, l’auteur est également profondément touché : il en est ébranlé. En témoignent notamment les nombreux passages où il use d’une langue poétique à travers laquelle il exprime son émotion, comme lorsqu’il observe le ciel nocturne en compagnie du fils de son hôte :

« Le ciel qui recouvrait Tishevits ressemblait à un gigantesque uniforme bleu marine orné de boutons argentés. Aux yeux de mon petit compagnon, il devait sûrement évoquer le rideau de la synagogue, rehaussé de broderies de fils d’argent, qui protège l’arche renfermant les rouleaux de la Toyrè [Torah]. » p.115.

C’est au cours de ce voyage fondateur que naît en Peretz l’intuition qu’il « faut retourner à la synagogue ». Et pour parler du shtetl et pour lui parler, Peretz comprend qu’il faut écrire en yiddish.

Écouter le shtetl

La dimension de l’oralité prédomine dans les Tableaux de Peretz; en effet, leur majeure partie est constituée de discours directs rapportant des conversations ou de récits emboîtés dans la trame principale. Ces discours sont proches de leurs sources : ils sont composés en grande partie de fragments de discours notés verbatim par l’enquêteur sur son calepin, ce qui participe au versant réaliste du texte.
Les propos, rapportés au discours direct et parfois au discours indirect, sont très riches, souvent comiques et toujours très vivants. La première chose qui frappe le lecteur, c’est l’omniprésence de la religion dans le parler commun et dans la prose de Peretz, qui sont émaillés de proverbes, de citations hébraïques et araméennes de la Torah, comme dans ce passage : « Après avoir pris congé du Rov, c’est pour ainsi dire ‘‘en tenue de deuil et la tête couverte de cendre’’ [il s’agit ici d’une citation du livre d’Esther : 4,1] que je suis descendu dans la rue, accompagné du maskil » p.91.
Isaac Bashevis Singer disait lui-même qu’il avait du mal à comprendre certains passages de Peretz, tant la façon de parler avait changé.
Ces formules sont souvent elliptiques ou allusives car elles renvoient à un univers de référence commun au peuple du shtetl et à Peretz, qui avait reçu une éducation juive traditionnelle. Il crée une connivence avec ses interlocuteurs en citant l’Écriture. Les choix de traduction sont ici particulièrement pertinents : ces formules sont traduites en français pour certaines et laissées en hébreu pour les plus courtes (en prononciation ashkénaze) : lehavdl, nu, lekhayim toyvim velesholem… De nombreux noms de fonctions et de lieux sont également laissés en yiddish, avec une traduction dans le glossaire final. Cela donne une couleur particulière au récit et le rend extrêmement animé. Cette langue tellement à part, imprégnée de références bibliques, contribue à ancrer l’univers du shtetl dans un monde séparé et, pour ainsi dire, insulaire .

Les dialogues sont marqués par beaucoup d’exclamations, d’interrogations, de lamentations. Les expressions imagées, les insultes ainsi que les locutions sont extrêmement nombreuses. Cette façon de parler savoureuse entre souvent en résonance comique avec les demandes précises de l’enquêteur statistique. Pour accentuer cet effet comique, Peretz réalise un vrai travail de mise en scène, accentuant les contrastes et le comique de situation, comme le dialogue (p.108) entre le maskil (partisan des Lumières Juives) et le ‘hosside (membre d’une secte hassidique) qui se termine par… une paire de gifles.
Mais une partie plus importante encore du texte est constituée de récits secondaires, racontés par des personnages à Peretz lui-même, qui ajoutent beaucoup d’humour et de sel au récit. C’est sur ce terrain que s’épanouit le talent de conteur de Peretz, qui a sûrement largement remanié ces récits.
Dans ces dialogues savoureux apparaissent de nombreux personnages fantasques et grotesques, comme le maskil dont Peretz donne un portrait très ironique :

« Mais n’allez pas croire que le monde civilisé s’arrête à Tishevits. Que non ! Au nombre de ses habitants, la localité compte même un maskil. Et un authentique maskil, comme autrefois. Soit, en l’occurrence, un homme entre deux âges qui n’a jamais étudié quoi que ce soit, qui n’a rien lu et qui ne possède pas de livres, ni même le moindre journal. Bref, un maskil bidon ! ».

Si les récits de ces personnages sont décousus et souvent incohérents, ils permettent d’évoquer la vie des habitants du shtetl, les relations qu’ils entretiennent entre eux et aident à entrer dans leur univers mental. Ces récits constituent aussi une ouverture vers le merveilleux ; autant le shtetl apparaît comme miséreux dans son aspect extérieur, autant il apparaît comme riche et opulent dans sa tradition orale. A l’image de la chèvre qui emprunte chaque jour un sentier magique qui la mène sur le Mont du Temple où elle broute avant de rentrer le soir en Pologne (p.159), le shtetl vit dans deux réalités parallèles, l’une magique et mystique, l’autre prosaïque et miséreuse.
Se manifeste le goût de Peretz pour le folklore juif : plus le livre progresse, plus on s’éloigne de l’enquête et on se rapproche de l’univers du conte. L’auteur fait le choix de ne plus se concentrer sur une description objective et réaliste mais de devenir le passeur de « ce qui se dit au shtetl ». L’écrivain prend le dessus sur le socialiste ou l’enquêteur, et met dans la bouche des personnages qu’il rencontre des récits extraordinaires.
Particulièrement notable est le long récit raconté par Moszek sur le shtetl englouti sous un plan d’eau (p.210), qui a été ajouté en 1904 par Peretz aux Tableaux. Dans ce récit interviennent des personnages caractéristiques du folklore juif, tel le Lamedvovnik, le hobereau polonais ou l’Ange de feu. Un personnage, qui ressemble de façon troublante à Peretz lui-même, cause l’incendie de ce village probablement imaginaire. C’est comme si Peretz lui-même dressait le bilan de son enquête à des années de distance : à ses yeux la modernité (lui-même en enquêteur) constitue un danger pour la vie spirituelle et risque de l’anéantir. On sent une sourde inquiétude quant au devenir du shtetl, comme il le dit dans son avant-propos : « c’était à la fin des bonnes années et au début des mauvaises », p.41.

***

Les Tableaux de Peretz apparaissent comme un témoignage d’une immense richesse de ce qu’était la vie au shtetl, et encore plus de ce qui s’y disait. Si son enquête statistique échoue face à une misère qu’on ne peut quantifier, Y. L. Peretz se fait tour à tour ethnographe, folkloriste et conteur, et nous fait appréhender ainsi la vitalité de ce monde à part  : comique et tragique mêlés, richesse de la tradition orale, vitalité des dialogues, superstitions religieuses, gamme infinie des gagne-pain.
Cette expérience de la yiddishkeyt a été décisive dans son parcours et l’a convaincu de la nécessité de parler du peuple et au peuple. Cela passe par l’écriture en yiddish, dont il devient un des grands écrivains.
Ce texte n’est cependant pas un hymne. Peretz pose sur cet univers un regard certes ému, mais aussi profondément pessimiste. Une sourde inquiétude parcourt son évocation. Conscient de la richesse de la tradition populaire, Peretz craint que le shtetl ne soit détruit par la modernité. Il ne partage pas l’optimisme de beaucoup de la jeunesse de l’époque convaincue que le progrès social et économique sauverait les masses juives. Son inquiétude s’est malheureusement vu confirmer au XXème siècle. S’il évoque un monde qui n’existe plus, Peretz arrive à nous en donner la saveur et à nous en faire entendre les voix.

Indications bibliographiques

Outre le dossier très complet et de grande qualité qui accompagne le texte de Peretz, voici quelques ouvrages en français et en anglais qui peuvent permettre d’approfondir le sujet :

Rachel Ertel, Le Shtetl : la bourgade juive de Pologne de la tradition à la modernité, Payot, Paris, 1982.

Sol Liptzin, A History of Yiddish Literature, Middle village, New York, 1972.

Commençant par l’étude de la langue elle-même, l’auteur déroule l’histoire de la littérature yiddish du Moyen-Âge à l’époque contemporaine.

Albert Londres,  Le juif errant est arrivé (1930), Suivi de témoignages et d’une bibliographie établie par F. Lacassin, Paris, UGE, 1975, Collection 10/18, Série « L’appel de la vie ».

Ruth R. Wisse, I. L. Peretz and the Making of Modern Jewish Culture, Seattle, University of Washington Press, 1991.

Mark Zborowski et Elisabeth Herzog, Olam dans le shtetl d’Europe Centrale avant la Shoah (1952), Titre original : Life is with people, Préface d’A. Heschel, Traduit de l’anglais par D. Pemerle et F. Alvarez-Pereyre, Paris, Plon, 1992, Collection Terre Humaine,« Yiddishland » .

Présentation de l’éditeur :  » Ami lecteur, la ville des petites gens où je te mène se trouve juste au centre de cette  » zone bienheureuse  » où l’on a entassé les Juifs les uns sur les autres, comme des harengs dans un tonneau, en leur ordonnant de croître et de prospérer… Cachée dans un coin, loin, très loin, isolée du monde, cette ville est assise, telle une orpheline, rêveuse, ensorcelée, repliée sur elle-même. Indifférente aux bonnes choses que les hommes se sont donnés la peine de créer et pour lesquelles ils ont trouvé des noms tels que  » culture « ,  » progrès « ,  » civilisation « .  » Ainsi parle, et avec humour, Sholem Aleykhem, le grand écrivain. Olam : une œuvre exceptionnelle qui sera lue par les juifs français avec une immense nostalgie. Une langue précise, sans emphase, une volonté d’être compris de tous. Le lecteur est plongé au sein d’une de ces centaines de bourgades d’Europe centrale où le peuple juif a vécu pendant cinq siècles en marge des peuples polonais, austro-hongrois et russes. Civilisation du passé ; la haine nazie l’a détruite dans l’horreur. L’existence de ces millions de Juifs était essentiellement sous le signe de la tradition biblique, l’ordre divin décidant des moindres faits et gestes. Le peuple du Shtetl, civilisation du livre et du verbe, a privilégié, quelles que fussent les circonstances, l’étude de la Torah. Femmes et travailleurs, en cette société pyramidale, hiérarchisée, acceptaient leur indigence. Ils savaient que les meilleurs de leurs fils étudiaient la parole sacrée dans l’entourage de rabbis, parfois charismatiques. L’admirable préface d’Abraham Heschel nous fait vivre cet élan mystique incomparable. Ce livre est actuel. Tout ce que l’on voit s’affirmer dans le monde juif contemporain, ses contradictions, préexiste dans ces petits shtetler. Les cours des Tsaddikim hassidiques, l’humour yiddish, perpétué par les Marx Brothers et Woody Allen ; jusqu’au Bund et au sionisme, réaction d’opposants au shtetl, partis vivre dans les villes à l’écart de ce corset religieux aux règles rigides. Le shtetl est un microcosme de la judéité ashkénaze dont on sait le rôle pionnier en Israël avec la branche allemande. Olam est aussi la rue juive : vivre ensemble, les fêtes, les marchés, les cris des mères, les querelles domestiques, la peur continuelle, enfin, du pogrom. Ce best-seller a suscité aux Etats-Unis des débats passionnés. Livre fondamental pour tous, il sera, en particulier pour le chrétien, une mine de réflexions sur les racines judaïques de l’Eglise, ses refus et ses différences« .

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