L’Espagne contemporaine

et

les Juifs

par Jean-Luc Landier

Danielle ROZENBERG, L’Espagne contemporaine et la question juive : Les fils renoués de la mémoire et de l’Histoire, Toulouse, 2006, Presses de l’Université de Toulouse-Le Mirail, «Collection Tempus».


Réfugiés marchant sur la route entre Barcelone et la frontière franco-espagnole, entre les 25 et 27 janvier 1939/Photographie de Robert Capa

On parle, à tort ou à raison, d’un Âge d’Or du judaïsme dans tous les royaumes d’Espagne, musulmans ou chrétiens, jusqu’au XIVème siècle ; quoi qu’il en soit, il aurait  pris fin, en 1492, après la reconquête de la péninsule ibérique dans sa totalité.
Les Rois Catholiques ont en effet vidé brutalement la Péninsule de ses Juifs, en les contraignant, par l’Édit de Grenade, à choisir entre la conversion ou l’exil. Jusqu’au milieu du XIXème siècle, toute présence juive sur un sol espagnol a été strictement prohibée, sous peine de mort. 
Pourtant, le lien entre les Juifs et «leur» pays, l’Espagne – qu’en hébreu on désigne par le terme de «Séfarade» – n’a jamais été complètement rompu ; des relations complexes se sont nouées entre l’Espagne et les Juifs. 
Pour les démêler, l’essai historique de Danielle Rozenberg, L’Espagne contemporaine et la question juive, est le travail de synthèse indispensable. Il permet de comprendre comment se sont, pour reprendre le sous-titre de cet ouvrage, renoués les fils de l’histoire et de la mémoire. Son ouvrage, remarquablement documenté, décrit en effet « le lent cheminement qui a conduit les Espagnols à retrouver la mémoire de Sefarad, à redonner place au pluralisme religieux, à faire des Juifs, naguère absents et étrangers, des «nationaux» à part entière d’un pays démocratique.», p.8.


L’exclusion

Le décret  de 1492 est un tournant majeur dans l’histoire de l’Espagne et dans l’histoire juive moderne.
En Espagne, il renforce une politique de surveillance tatillonne et soupçonneuse de ceux qui ont accepté la conversion, les « nouveaux Chrétiens », soumis au contrôle permanent de l’Inquisition et exclus des corporations et des ordres religieux ou militaires par les statuts de limpieza de sangre, de « pureté du sang ». Si des générations de conversos furent soumis à des discriminations cruelles, ceux qui furent convaincus de judaïser en secret (les marranes) subirent les pires persécutions, qui les conduisirent souvent au bûcher. Comme le rappelle D. Rozenberg, l’antijudaïsme va se transmettre dans la culture espagnole par l’enseignement de l’Église ;  par le culte d’enfants martyrs (comme Dominguito Del Val ou El Nino de La Guardia) que des Juifs auraient assassinés ;  par l’enseignement du mépris que le catéchisme diffuse ;  par toute une série de traditions locales, de représentations festives, d’expressions du langage qui se sont perpétuées jusqu’à nos jours, alors même que toute présence juive avait disparu d’Espagne depuis le XVI ème siècle. 
Comme l’indique l’historien Bartolomé Bennassar, l’Inquisition, loin d’être un héritage médiéval, est une pièce majeure de l’appareil d’État moderne en Espagne. Elle participe à une mise sous surveillance de la société espagnole, secteur par secteur, les inquisiteurs s’efforçant d’imposer par la peur de la dénonciation,« un conformisme de comportement, de parole et finalement de pensée à toutes les couches de la société ». L’Inquisition a donc contribué à figer la société espagnole, et à maintenir, jusqu’au XIXème siècle et au-delà, un mode de pensée archaïque issu du Moyen-Âge. On retrouve encore dans le castillan des expressions péjoratives désignant les Juifs, comme marrano (= porc) ou judiada (= vacherie).
Certains noms de lieux rappellent les pires moments de la persécution , comme celui, dans la province de Burgos. du village de Castrillo Matajudios – littéralement « village où l’on tue les Juifs ». Ce village a été renommé Castrillo Mota de Judios en juin 2015.
D. Rozenberg porte également l’accent sur le sort des Chuetas de Majorque, considérés par leurs voisins comme des descendants de conversos et qui firent l’objet d’une discrimination sournoise et d’une marginalisation sociale jusqu’au XXème siècle (p.16-22).

L’ouverture libérale 

La colonisation de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud par les conquistadores a permis à l’Espagne de bénéficier des richesses de tout un continent. L’or d’outre-Atlantique, qui a afflué sur la péninsule ibérique, ainsi que des alliances matrimoniales opportunes, ont fait de l’Espagne la première puissance d’Europe au XVIème siècle. Cet essor s’est poursuivi sans être entravé par les crises religieuses qui ont ravagé la France et l’Europe centrale à la même époque. 
Le catholicisme fervent et mystique est devenu consubstantiel à l’âme espagnole. L’obscurantisme et le fanatisme religieux, qui imprégnaient le clergé et les couches populaires, conférèrent à la guerre qui opposa le peuple espagnol à l’armée d’occupation française, entre 1808 et 1813, tout son caractère passionnel, violent, radical, souvent barbare.
Toutefois, des patriotes espagnols appuyés par l’Angleterre et formés au message des Lumières et en particulier à celui de la franc-maçonnerie, rédigèrent à Cadix, en 1812, une constitution du royaume, d’inspiration libérale (liberté de la presse, souveraineté nationale), qui fut la véritable entrée de l’Espagne dans la modernité. Cette constitution, mise en application  pendant une courte période, ne reconnaissait toutefois pas la liberté de conscience et maintenait le catholicisme comme religion d’État. 
La mise en oeuvre de cette constitution fut l’un des enjeux des conflits violents entre conservateurs et libéraux qui jalonnèrent le XIXème siècle en Espagne, marqué par une succession de pronunciamentos militaires et de guerres civiles. 
Ce ne fut qu’en 1834 que L’Inquisition fut définitivement abolie par la régente Marie Christine ; en février 1855, que la liberté de conscience fut accordée par les Cortès  ; en 1865, que les règles de limpieza de sangre furent supprimées.
En 1869, le grand orateur libéral Emilio Castelar plaida avec éloquence devant les Cortès en faveur de la liberté religieuse. Mais l’Espagne resta encore un pays interdit aux Juifs.
L’Histoire et la culture rapprochèrent toutefois l’Espagne et les Juifs à la fin du XIXème siècle, lors de la Restauration libérale qui vit s’apaiser les conflits internes à la péninsule, et permit à l’Espagne d’entrer avec retard dans la modernité de l’âge industriel. Des liens, au moins privés et circonstanciels, commencèrent à se former. 
La guerre hispano-marocaine de 1859-1860 amena l’armée espagnole à occuper Tétouan, dans le nord du Maroc : elle y découvrit une communauté juive parlant encore l’espagnol du XVème siècle et noua avec elle des liens amicaux.

Un peu plus tard, des diplomates espagnols en poste dans l’Empire ottoman établirent des liens avec des Juifs séfarades, et recommandèrent à Madrid d’entreprendre une politique de rapprochement systématique avec les communautés hispanophones afin de renforcer l’audience de la langue espagnole et de tisser des liens économiques utiles à l’Espagne. 
On doit à l’activité opiniâtre du médecin et homme politique libéral Angel Pulido (1852-1932) d’avoir, de manière décisive, rapproché l’Espagne et les communautés séfarades de l’empire ottoman et d’Europe orientale. Pulido entreprit un travail de redécouverte linguistique et culturel, en soulignant l’étroite proximité entre le judezmo parlé dans l’empire ottoman et le castillan du XVème siècle. Son oeuvre majeure Espanoles sin patria, y la raza sefardi s’appuya sur des questionnaires très complets envoyés à toutes les communautés séfarades d’Europe et du bassin méditerranéen. Elle eut un écho important aux Cortès et chez les intellectuels de la génération de 1898, Noventa y Ocho, qui, à la suite de la défaite espagnole face aux États-Unis et à la perte des restes de l’empire colonial, se sont interrogés sur le déclin de leur pays et les moyens d’y mettre fin : les écrivains Blasco Ibanez, Perez Galdos, le philosophe Miguel de Unamuno entre autres.

Españoles sin patria y la raza sefardí/Ángel Pulido Fernández

Danielle Rozenberg souligne que « la pensée de Pulido procède de trois sources: source théologique: le christianisme est une religion de miséricorde qui implique la liberté religieuse et l’égalité de tous les hommes entre eux ; le second élément qui l’inspire est son admiration pour la fidélité des Séfarades à la langue espagnole ; la troisième force est le patriotisme : la présence de deux millions de Séfarades dans le monde ouvre de nouveaux horizons, à même de compenser en partie le désastre de 1898 », p. 42.
Ainsi, le climat nouveau de tolérance religieuse qui régnait en Espagne à la fin du XIXème siècle permit un retour discret des Juifs dans la péninsule.
Une communauté de Juifs d’origine marocaine se constitua à Séville à partir des années 1860. A la même période, de petits groupes de commerçants venant de France s’établirent dans le nord de l’Espagne, et des représentants de grandes banques européennes – tel Ignacio Bauer, représentant de la banque Rothschild de Paris – ouvrirent des succursales à Madrid ; d’autres Juifs s’installèrent à Barcelone. 
Leur statut était incertain, puisque le décret d’expulsion de 1492 n’était pas formellement aboli, et que leur seule protection était la tolérance religieuse récemment instituée. À la fin du XIXème siècle, aucune activité communautaire publique n’avait encore pu se manifester, faute de reconnaissance officielle. Les quelques 2000 Juifs résidant en Espagne, en particulier à Séville, Madrid et Barcelone, selon l’estimation de Pulido au début du XXème siècle, survivaient dans la plus totale discrétion.
La question de la tolérance religieuse et de l’accueil des Juifs était en effet un sujet de polémique entre les deux Espagnes qui s’affrontaient sur ce terrain, comme elles se combattront au cours du cruel XXème siècle, notamment durant la guerre civile qui déchirera l’Espagne entre 1936 et 1939.
D’un côté, le discours des intellectuels libéraux mettaient l’accent sur l’absurdité du décret d’expulsion et des accusations portées contre les Juifs dans la tradition catholique, dont celle, ancestrale, de déicide. Le retour des Juifs en Espagne est clairement évoqué, et l’accueil de Juifs russes victimes des pogroms recommandé. Les études de la culture sefardi connaissaient un vaste développement, avec la création de revues savantes auxquelles collaborent toute une pléiade d’intellectuels libéraux et républicains de renom. 
De l’autre côté, les intégristes catholiques donnaient libre cours à la diabolisation théologique des Juifs, et justifiaient le décret d’expulsion de 1492 avec de pseudo arguments économiques et culturels. 
Une nouvelle composante antisémite apparaît à la fin du XIXème siècle, inspirée par la France juive de Drumont, et obsédée par « la menace d’un  complot judéo-maçonnique », thème constant pendant la guerre civile.

Le retour des Juifs 

Le climat de tolérance et de bienveillance instauré par le roi Alphonse XIII (1886-1941) permit la constitution officielle de la communauté juive de Séville. Les communautés de Madrid et de Barcelone furent reconnues en 1917 et 1919, pendant la Première Guerre Mondiale, au terme de laquelle l’Espagne s’enrichit de plusieurs milliers de Séfarades ayant quitté l’Empire Ottoman, ainsi que de Juifs fuyant l’Empire russe. 
Le banquier Ignacio Bauer y Landauer, député libéral aux Cortès et ami du roi Alphonse XIII devint le  premier président de la communauté israélite de Madrid. La synagogue et centre communautaire de Barcelone fut créée en 1919. Plusieurs centaines de Juifs d’origine turque, ainsi que des Juifs ukrainiens fuyant les pogroms, s’installèrent à Barcelone au début des années 1920.
Dans le Nord du Maroc où l’Espagne a obtenu un protectorat en 1912, les quelques 20.000 Juifs qui y résident bénéficiaient d’une large tolérance religieuse, et entraient dans une modernité prospère sous le drapeau espagnol, à l’instar des Juifs marocains sous protection française.
Les officiers espagnols présents au Maroc, en particulier le jeune Francisco Franco, officier de la Légion étrangère, découvrirent les Juifs marocains de langue hispanique. Ce fut aussi le cas d’Ernesto Gimenez Caballero, jeune soldat en Afrique et futur théoricien du fascisme espagnol, qui passera du philosémitisme à l’antisémitisme.
L’Espagne dut faire face à de multiples crises au début des années 1920 : agitation sociale anarchiste, grèves à répétition, séparatisme catalan, défaite militaire face aux insurgés marocains du Rif. Le général Primo de Rivera, à la faveur d’un pronunciamiento, mit fin au régime parlementaire, obtint les pleins pouvoirs des mains du roi, et institua une dictature moderniste qui parvint à certains succès jusqu’à la crise économique de 1929. 
Un tournant important fut pris en 1923, avec l’adoption d’un  décret pris par le chef du gouvernement, qui permit aux Séfarades d’obtenir la nationalité espagnole sous certaines conditions. Ce décret fut adopté à la suite de l’annulation, par la Turquie de Mustapha Kemal, du régime protecteur des capitulations qui accordait des garanties aux Juifs dans l’Empire Ottoman. Cette mesure eut toutefois une assez faible audience, car elle était mise en oeuvre pour une durée limitée et décourageait l’installation définitive des Séfarades dans la péninsule. Nombre de Juifs des Balkans établirent cependant des relations informelles avec les consulats d’Espagne qui leur accordèrent le statut de protégé espagnol. D. Rozenberg souligne que « les attitudes pro séfarades qui s’expriment au sein de la société espagnole, transcendent les habituels clivages politiques qui divisent le pays au cours du premier tiers du XXème siècle », p.53.
L’histoire s’accéléra en Espagne à partir de 1931. Après la démission de Primo de Rivera, les partis républicains l’emportèrent lors des élections municipales ; le roi quitta alors le pays et la République fut proclamée le 14 avril 1931. Ses fondateurs, des hommes politiques et des intellectuels issus de la gauche libérale, étaient sympathisants de la cause sefardi. La nouvelle constitution prévoyait l’adoption d’une loi accordant la nationalité espagnole aux personnes d’origine espagnole résidant à l’étranger, ce qui visait à la fois les Juifs de Grèce, de Turquie, des Balkans, d’Egypte et aussi du nord du Maroc, protégés espagnols. 
Ce fut surtout des réfugiés d’Allemagne et d’Europe centrale fuyant le nazisme qui s’installèrent, dans des conditions précaires, à Barcelone et, dans une moindre mesure, à Madrid. La rhétorique était en effet chaleureuse et engageante mais les faibles capacités d’absorption d’un pays en crise économique limitaient l’immigration de Juifs.

L’engagement des  Juifs pour l’Espagne

L’Espagne, dans les années 1930, ne tarda pas à devenir l’épicentre des affrontements politiques qui faisaient rage en Europe. La crise sociale que connaissait le pays s’accentua, et les passions politiques prirent un tour violent : grèves ouvrières réprimées dans le sang ; agitation anarchiste et séparatiste ; complots militaires ; et enfin, création par le fils de Primo de Rivera d’un parti fasciste, la Phalange.
Les élections législatives de février 1936 donnèrent la victoire au Frente popular, une coalition des partis laïques du centre gauche et du parti socialiste, le parti communiste, encore faible, restant en retrait. Dans un contexte de grande agitation sociale et de menées anticléricales, un complot militaire fut ourdi. Le 18 juillet 1936, l’armée d’Afrique ainsi que la majorité des garnisons d’Espagne se soulevèrent contre le gouvernement légal et légitime du peuple espagnol. Le général Francisco Franco prit la tête de la rébellion. Le soulèvement fut écrasé par les milices ouvrières à Madrid et Barcelone, mais il l’emporta en Afrique, en Andalousie et dans l’Ouest du pays. Le conflit devint très vite une crise internationale, Franco étant, dés le début, appuyé militairement par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste. Le gouvernement légal sollicita  l’appui du gouvernement de Front populaire français, qui se limita à un soutien diplomatique. L’Union soviétique et les partis communistes décidèrent alors de soutenir activement la République, en lui fournissant des armes et des volontaires.
Les Brigades internationales, constituées en septembre 1936 sous la direction de l’Internationale communiste, recrutèrent très rapidement des milliers de volontaires, jeunes militants antifascistes venus de tous les pays, mûs par leur engagement révolutionnaire, par un idéalisme généreux, quelquefois par la recherche de l’aventure. On estime que sur les 35000 combattants des Brigades internationales, 10 à 15 % étaient juifs. Les combattants juifs des Brigades ont ainsi écrit une page très spécifique de la longue relation entre les Juifs et l’Espagne. Ils n’étaient pas espagnols mais polonais, tchèques, hongrois, russes, français, anglais, allemands, américains. Nombre de Juifs de Palestine participèrent aux Brigades, donnant ainsi priorité à leur engagement internationaliste sur le projet sioniste.
Les volontaires juifs des Brigades internationales se sont battus pour la liberté de l’Espagne, où plusieurs centaines d’entre eux laissèrent leur vie. L’engagement des volontaires juifs des Brigades, qui, dans leur grande majorité, avaient adhéré à l’idéologie communiste, mais restaient attachés au yiddish, reflète parfaitement le balancement entre l’unique et l’universel qui caractérise l’histoire juive.
Deux des principaux dirigeants des Brigades internationales étaient juifs : le général Emilio Kléber, alias Manfred Stern, Juif de Czernowitz, qui a sauvé Madrid à la Cité Universitaire en fin 1936, et le général Lukacs, alias Maté Zalka, Juif hongrois, héros des batailles de la Jarama et de Guadalajara à la tête de la XIIème Brigade.
Une unité spécifiquement juive, la compagnie Naftali Botwin, a été constituée au sein de la XIII° Brigade Dombrovski en début 1937. Elle sera engagée sur tous les fronts, en particulier lors de la bataille de l’Ebre de l’été 1938. Tous ses commandants seront tués ou blessés. Trois caractéristiques distinguent les « botviniens »: la langue yiddish, l’appartenance majoritaire à l’immigration juive polonaise parisienne, et l’engagement communiste. Rappelons cependant que la création de la compagnie Botwin ne fut pas inspirée par un philosémitisme ethnocentrique, phénomène très improbable chez des communistes, mais plutôt par la volonté de fragmenter le mouvement communiste polonais qui venait de faire l’objet de purges sanglantes à Moscou, et que la manipulation de la propagande stalinienne ne doit pas être ignorée dans cette affaire. 


Les combattants juifs des Brigades internationales, héros et martyrs, trahis par la marche inexorable de l’Histoire, ne sont pas venus en Espagne pour y vivre ou pour s’y établir, mais pour la liberté du peuple espagnol, dont les ennemis étaient les mêmes que ceux du peuple juif. « Pour notre liberté et pour la vôtre« , telle était leur devise.
Le rappel de l’engagement de nombreux Juifs en faveur de la République espagnole ne serait pas exhaustif sans la mention de la personnalité originale de Margarita Nelken : née en 1896 à Madrid dans une famille juive d’origine allemande, militante féministe et socialiste, élue députée de Badajoz aux Cortès en 1932 et 1936, elle adhéra ensuite au Parti communiste et participa activement à la défense de Madrid et aux campagnes d’information en faveur de la République. Elle s’exila à Mexico où elle mourut en 1968, au terme d’une vie engagée et controversée : elle fut en effet accusée d’avoir commandité les massacres de Paracuellos commis par les Républicains en novembre 1936, pendant le siège de Madrid.
La guerre civile espagnole, qui a éclaté au Maroc, a placé en première ligne les Juifs du Nord de ce pays, sous protectorat espagnol. Dés le début du soulèvement, les phalangistes locaux se livrèrent à des pillages de commerces juifs et à des extorsions de fonds. Les Juifs furent soumis à de lourdes impositions, à des collectes forcées, à de multiples opérations de collecte d’or et d’argent. Mais il n’y eut pas de persécution systématique des Juifs du Maroc par les autorités rebelles, et certaines familles fortunées, ainsi que deux grandes banques, participèrent au financement du mouvement national. Ce soutien s’expliquait par la proximité ancienne entre les Juifs du Nord du Maroc et l’armée espagnole, depuis l’occupation de Tétouan en 1860.

Pendant la Seconde Guerre mondiale : ombres et lumières

La guerre civile prit fin au printemps 1939 avec la victoire totale des forces nationalistes, après la chute de Barcelone et la capitulation de Madrid. Des centaines de milliers de combattants républicains et de démocrates espagnols fuirent l’Espagne, et furent internés dans des conditions ignominieuses, qui encore aujourd’hui sont une honte pour la France. Franco installa sa dictature en s’appuyant sur l’Église et la Phalange, mit en oeuvre une répression féroce et durable à l’encontre des républicains prisonniers, et se rapprocha de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste, auxquels il devait en grande partie sa victoire.
Dans ce contexte, un antisémitisme débridé put se donner libre cours dans les  medias espagnols et les milieux proches du pouvoir. D. Rozenberg met toutefois l’accent sur les spécificités de l’antisémitisme espagnol : « le Juif au sens religieux/ racial est une figure abstraite depuis l’Expulsion de 1492. L’anti-judaïsme renvoie à l’enseignement de l’Église, puis, après l’Affaire Dreyfus, à un antisémitisme “importé”. D’autre part, le terme “juif” renvoie au Séfarade, descendant des expulsés de 1492, globalement perçus avec sympathie. Une telle perception de la judéité rejette les Juifs au nom de l’intégrisme religieux, mais minimise la composante raciale », p. 90.
Pendant la guerre civile, la propagande du camp nationaliste n’avait jamais cessé de dénoncer le complot judéo-maçonnique comme son ennemi principal (citons les célèbres palabres du général Queipo de Llano sur Radio-Séville), et, à l’instar du discours nazi, avait mis l’accent sur l’influence juive dans l’idéologie bolchevique.
L’ambassade nazie à Madrid mit en oeuvre une intense propagande antisémite. En début 1940, un décret interdit l’exercice du culte et tous les rites juifs. Les quelques Juifs encore présents dans la péninsule se terrèrent, nombre d’entre eux se convertirent et retrouvèrent les pratiques anciennes du marranisme.
Des liens étroits furent établis entre la Gestapo et la Seguridad, police politique du régime. Des personnalités juives furent arrêtées, les phalangistes réclamèrent à plusieurs reprises l’éradication de toute présence juive  de la péninsule. Mais la preuve la plus significative de l’antisémitisme du régime fut la création d’un fichier juif par la Seguridad, fichier destiné à assurer la surveillance des Juifs résidant en Espagne, notamment des séfarades, en raison de la « dangerosité de leur race ». Ce fichier, aujourd’hui introuvable en tant que tel dans les archives, était encore utilisé dans les années 1950.
La période de la seconde guerre mondiale fut un moment paradoxal dans la longue histoire des relations entre les Juifs et l’Espagne, avec sa part d’ombre et ses éclairs de lumière. Rappelons quelle était la situation de l’Espagne en 1939: le pays était exsangue au sortir de la guerre civile, et lourdement endetté auprès de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste. La victoire allemande de 1940 conforta Franco dans son rapprochement avec Hitler, qu’il rencontra à Hendaye. Il lui confirma son soutien mais souligna que l’Espagne ruinée ne pouvait entrer dans le conflit aux côtés des puissances de l’Axe et devait préserver sa neutralité. L’attitude espagnole pendant la seconde guerre mondiale fut avant tout caractérisée par un prudent pragmatisme. Pro-nazie au début de la guerre, l’Espagne sut prudemment prendre ses distances avec l’Allemagne quand les perspectives d’une victoire alliée commencèrent à se confirmer.
La période du rapprochement avec l’Allemagne nazie eut un visage, celui de Ramon Serrano Suner, beau-frère et ministre des affaires étrangères de Franco jusqu’en 1942, fasciste et pro-nazi convaincu. Franco, pour sa part, n’était pas un idéologue, mais un homme habile et opportuniste. Militaire conservateur de tradition catholique, violemment hostile au communisme et à la franc-maçonnerie, il était avant tout un homme d’ordre, qui sut utiliser les fascistes espagnols au début de la guerre, mais les mit rapidement au pas.
Si Franco dépêcha la division Azul sur le front russe, il préserva le dialogue avec la Grande Bretagne et les États-Unis, pratiquant avec habileté une politique d’équilibre et d’expectative, et prit ses distances avec l’Allemagne nazie après Stalingrad. Les réfugiés juifs qui réussissaient à passer la frontière des Pyrénées furent dans un premier temps internés dans des camps, notamment à Miranda de Ebro, dans des conditions dures, mais identiques à celles que subirent les jeunes résistants français désireux de rejoindre les Forces Françaises Libres .
La stratégie de l’Espagne franquiste vis-à-vis des Juifs fut louvoyante, tout en manifestant, tout au long de la guerre, une volonté constante d’interdire à des réfugiés juifs de s’établir durablement en Espagne. Ceux-ci purent ainsi obtenir des visas de transit pour le Portugal, mais les institutions franquistes veillèrent à ce qu’aucun ne s’installe de manière définitive ; elles exigèrent également le dépôt de sommes élevées pour obtenir ces visas de transit.
L’attitude franquiste à l’égard des milliers de Juifs séfarades qui avaient pu obtenir la nationalité espagnole à la suite du décret de Primo de Rivera fut la même. Alors que nombre d’entre eux, résidant en Grèce, en Yougoslavie, en Roumanie faisaient état de leur loyalisme espagnol pour obtenir le droit de s’établir dans la péninsule, ils se heurtèrent à la position inflexible du Ministère des Affaires étrangères de Madrid.

Les Justes espagnols

Une page d’une grande noblesse fut toutefois écrite par plusieurs diplomates espagnols en poste en Hongrie, en Grèce, en Bulgarie, en France, qui protégèrent du nazisme non seulement des Juifs séfarades de nationalité espagnole, mais aussi d’autres Juifs menacés de mort, au nom de leur conscience chrétienne et de leur sens de l’humanité.
Eduardo Propper de Callejon aida, en 1940 le consul du Portugal à Bordeaux, Aristides de Sousa Mendes, à délivrer 30 000 visas de transit à des Juifs afin qu’ils puissent traverser l’Espagne.
Le consul général d’Espagne à Paris Bernardo Rolland y Miota fit sortir du camp de Drancy ou accorda sa protection à probablement 300 personnes, séfarades d’origine turque. Les efforts de Rolland et de son successeur Fiscowich ne furent toutefois pas couronnés de succès puisque les nazis déportèrent au moins 145 ressortissants espagnols de Drancy vers Auschwitz, sans en informer le consulat.
Le consul d’Espagne à Athènes, Sebastian de Romero Radigales, réussit à évacuer de Salonique vers Athènes 150 Juifs de nationalité espagnole. L’ambassadeur d’Espagne à Sofia Julio Palencia sauva de nombreux Juifs, et alla jusqu’à adopter deux enfants pour leur permettre de quitter la Bulgarie en vue de rejoindre leur mère. José Ruiz Santaella attaché économique à Berlin, et son épouse Carmen, cachèrent à leur domicile trois femmes juives allemandes en 1943-1944.
Mais c’est à Budapest, en Hongrie entre octobre 1944 et février 1945, qu’un jeune diplomate espagnol, Angel Sanz Briz, puis son collaborateur l’Italien Giorgio Perlasca, à l’instar de Raoul Wallenberg, menèrent une exceptionnelle démarche de sauvetage, en accordant la protection espagnole à près de 2300 personnes en les logeant dans des immeubles pour lesquels ils obtinrent un statut diplomatique. Sanz Briz, Perlasca, Santaella et Radigales se sont vus décerner la médaille des Justes, mais ce n’est pas à priori encore le cas pour Rolland et Palencia.


 
En résumé, l’Espagne a mené une politique strictement opportuniste en fonction de ses intérêts, et son gouvernement a surtout veillé à éviter l’établissement définitif de Juifs en Espagne, allant jusqu’à fermer les yeux sur la déportation de Juifs espagnols par les nazis. Des diplomates espagnols ont eu un comportement personnel héroïque, mais se sont souvent heurtés à l’hostilité de leur ministère de tutelle, surtout au début de la guerre. ll n’y eut jamais de volonté explicite du Caudillo Francisco Franco de sauver des Juifs européens, contrairement à une légende tenace, mais une démarche opportuniste, sans idéologie, qui, finalement, contribua à sauver de nombreuses vies. C’était toutefois mieux que la France de Vichy……

L’après-guerre : comment l’Espagne sortit de son isolement

Au sortir de la guerre, alors que Franco a réussi à préserver son pouvoir, l’Espagne fut mise au ban des nations victorieuses en raison de ses alliances passées. La France ferma la frontière des Pyrénées de 1946 à 1948, l’admission de l’Espagne à l’ONU fut refusée, elle fut exclue du bénéfice du plan Marshall en 1947. 
La diplomatie espagnole fit une fois de plus preuve de pragmatisme ; elle chercha dans un premier temps à valoriser la relation privilégiée qu’elle entretenait avec le Vatican et l’Argentine de Peron, mais aussi les pays arabes, en capitalisant le lointain souvenir de la symbiose d’Al Andalus, et en adoptant un discours anti-colonialiste de façade. L’Espagne de la fin des années 40 est aussi un refuge sûr pour des milliers d’anciens nazis européens et de collaborateurs, comme Darquier, commissaire aux Questions Juives de Vichy, et le Belge Léon Degrelle.
Mais la guerre froide offrit une opportunité majeure à l’Espagne franquiste, qui ouvrit des négociations avec les Etats-Unis avec lesquelles elle signa un traité d’alliance en 1953. Ce traité fut un atout déterminant pour la survie du régime, puis pour son retour progressif dans le concert des nations.
En 1949, Abba Eban, représentant d’Israel à l’ONU, se déclara opposé à l’admission de l’Espagne au sein de l’organisation, en raison de sa relation avec l’Allemagne nazie. Les deux pays n’eurent  pas de relations diplomatiques pendant des décennies, et l’Espagne soutint les pays arabes dans leurs conflits avec Israël.
À la recherche d’une normalisation de son statut international, l’Espagne mit en oeuvre une campagne destinée à mettre en valeur la protection accordée à des Juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale, et à en attribuer le mérite au Caudillo Franco. Cette opération de communication visait tout particulièrement l’opinion américaine, et porta ses fruits auprès de la communauté juive. Or l’attitude personnelle de Franco avait été plus qu’ambivalente. Ainsi, il dénonça avec virulence « le judaïsme, la maçonnerie et le marxisme » dans son discours du défilé de la victoire de mai 1939  (p.138). Il justifia l’expulsion des Juifs et la politique raciale de l’Axe dans son discours radiodiffusé du 31 décembre 1939 ; beaucoup plus tard, il condamna le soutien apporté par l’ONU à la création d’Israël dans une série d’articles du quotidien phalangiste Arriba, publiés sous un pseudonyme en février 1949 (p.139).
Mais il sut aussi faire preuve d’une large ouverture d’esprit au cours des décennies ultérieures.

Une communauté juive reconstituée

Dans les années 1940 et 1950, la présence des juifs en Espagne se renforça sensiblement et connut un début de reconnaissance des autorités. Au noyau discret des origines, comprenant principalement des Séfarades des Balkans installés surtout à Barcelone, vinrent s’adjoindre, dans les années 1950 et 1960, des Juifs hispanophones du Maroc et d’Egypte, puis, dans les années 1980 et 1990, des Juifs d’Amérique Latine ; les Juifs d’ascendance marocaine restent aujourd’hui l’élément dominant d’une communauté vivante de 40 à 50 000 personnes, installée dans les grandes villes, dotée d’institutions religieuses orthodoxes ou libérales, ainsi que de structures éducatives. 
C’est dans un contexte de tolérance religieuse initié par le régime franquiste dés 1946 que la communauté a pu se développer. Le régime autorisa en effet dès 1946 l’ouverture de synagogues à Madrid et à Barcelone, socle de communautés qui se développeront rapidement dans un climat de libéralisme croissant.
Au plan culturel, le régime franquiste mit, dés les années 1940, l’accent sur le patrimoine séfarade, et créa l’Institut Arias Montano, dont la revue « Sefarad », est une référence internationale dans le monde universitaire. 
Dans les années 1950 et 1960, de multiples congrès scientifiques consacrés à la symbiose judéo-espagnole furent organisés en partenariat avec la Fédération Séfarade Mondiale, l’opportunisme diplomatique contribuant sans doute à l’intérêt du régime pour ces initiatives. 
Les statuts de la Communauté juive (Communidad Hebrea) de Madrid furent approuvés en février 1965, après une audience accordée par Franco aux présidents des communautés de Madrid et de Barcelone, Max Mazin et Alberto Lévy.
L’édit de l’Alhambra de 1492 fut implicitement abrogé, en décembre 1968, lors de l’inauguration de la synagogue de Madrid, dans une formulation alambiquée destinée à ménager les relations diplomatiques entre l’Espagne et les pays arabes (p.165) .
Comme l’indique D. Rozenberg , « les relations hispano-juives ont considérablement évolué… En l’espace de trois décennies, l’Espagne a changé, et les conditions de vie, l’attitude de l’Eglise catholique et de la classe politique ne sont plus celles du repli et de la différence fièrement revendiquée face au monde extérieur hostile. Mais ceci est aussi le fruit d’une nouvelle génération de dirigeants communautaires… qui sont en mesure de dialoguer sans complexe avec les hautes instances politiques », p.166.

Vers une normalisation des relations ?

La mort de Franco, en novembre 1975, conduisit  au processus de succession prévu en faveur du prince Juan Carlos de Bourbon, qui devint roi d’Espagne. C’est sous son autorité qu’un processus de transition démocratique fut mis en oeuvre, qui permit à l’Espagne de se réconcilier avec son histoire et de mettre fin aux blessures de la guerre civile. Ce passage s’effectua dans des conditions difficiles et fut marqué par le terrorisme de l’ETA et les revendications indépendantistes de la Catalogne, ainsi que par une tentative de coup d’état militaire en 1981.
La Constitution de décembre 1978 devint le socle de la nouvelle Espagne démocratique qui intégra l’Union européenne en 1986 et, au terme de cette normalisation, devint un pays comparable à ses voisins du continent .
L’Espagne démocratique s’est dès lors, fortement engagée dans une réconciliation historique avec le monde juif. La visite du roi Juan Carlos à la synagogue de Madrid en 1992 ; la loi de 1992 reconnaissant officiellement la Fédération des Communautés israélites comme un des interlocuteurs de l’Etat, au même titre que les autres communautés non catholiques ; la promulgation, en octobre 2015, d’une loi facilitant l’obtention de la nationalité espagnole par les Juifs séfarades sur des critères notamment linguistiques assez contraignants, loi prorogée jusqu’en octobre 2019 : tels furent les moments forts de ces retrouvailles entre l’Espagne et ses Juifs.
6500 Juifs avaient obtenu un passeport espagnol en 2018. Le passé juif de l’Espagne a été remarquablement mis en valeur, au travers notamment du Red de Juderias, le réseau des lieux historiques marqués par une présence juive.
Mais les relations avec Israël restent ambigües. 
Certes, il y eut bien une coopération étroite entre les deux pays, dés les années 1950, pour faciliter la ‘Alyah des Juifs du Maroc et le sauvetage des Juifs d’Égypte, persécutés par le régime nassérien lors de l’affaire de Suez de 1956 et lors de la guerre de 1967. 
La transition démocratique conduisit naturellement à l’établissement de relations diplomatiques en 1986 avec l’État hébreu. Certaines personnalités politiques, l’ancien président José Maria Aznar, sont des soutiens fidèles d’Israël. Le roi Felipe VI s’est rendu à Jérusalem en janvier 2020 lors de la commémoration de la libération du camp d’Auschwitz.
Mais l’engagement constant et unilatéral de nombreux intellectuels et universitaires espagnols en faveur de la cause palestinienne, dans un rejet passionné et fanatique d’Israël, conduit à s’interroger sur les tendances de fond d’une opinion sur laquelle la communauté juive a peu d’influence en raison de sa dimension modeste. Les caricatures antisémites sont fréquentes dans la presse ; mais surtout le boycott d’Israël encouragé par le parti Podemos, membre de la majorité de gauche, est mis en oeuvre dans 55 villes du pays.

BDS Espagne

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D. Rozenberg synthétise ainsi la situation, au XXIème siècle, de l’Espagne dans ses relations avec ses Juifs : « À une position officielle longtemps arc-boutée sur une représentation mythique de l’histoire : l’Espagne « Une, grande et libre », l’harmonieuse convivance médiévale, le lien des Judéo-espagnols à la « mère-patrie » ou encore le sauvetage des Séfarades par Franco durant la Seconde Guerre mondiale, s’est substituée une approche à la fois plus nuancée et plus réaliste, laissant place pour une véritable coopération hispano-juive au plan intérieur et du point de vue des relations internationales. Dans le cadre d’une Espagne démocratique, il appartient désormais aux jeunes générations juives de définir un judaïsme ancré dans la modernité du pays qui est le leur, d’élaborer des modes d’expression identitaires leur permettant d’inscrire dans l’espace public commun des valeurs et un vécu propres. Il revient au pays tout entier de consolider le pluralisme au quotidien, en sachant tirer les leçons du passé », p. 290-291.
Quel avenir pour la longue histoire commune de l’Espagne et du peuple juif ?
Il semble aujourd’hui logique de présumer que leur relation perdra de sa spécificité et s’insérera dans le cadre plus large du judaïsme en Europe. Les relations politiques et économiques avec Israël seront déterminées par l’Union européenne, dont l’Espagne est un des principaux membres sans pour autant pouvoir y exercer une influence stratégique.
Il est probable que la symbiose culturelle et linguistique entre l’Espagne et Sefarad sera, au cours des décennies à venir, la composante essentielle de la présence millénaire du judaïsme dans la péninsule ibérique.  

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