Le moment viennois :

les Juifs au cœur de la modernité

par Jean-Luc Landier

Jacques LE RIDER, Les Juifs viennois à la Belle Époque, Paris, Éditions Albin Michel, 2013, Collection « Présences du judaïsme ».


Karl Kraus, Sigmund Freud, Arthur Schnitzler, Theodor Herzl, Arnold Schoenberg… On n’en finirait pas d’énumérer les penseurs, savants, artistes, écrivains et musiciens juifs qui, semble-t-il, ont trouvé à Vienne, à l’orée du XXème siècle, un terreau fertile pour s’épanouir et contribuer de manière déterminante à la modernité.
La culture universelle qui voit le jour dans ce contexte aurait-elle été aussi originale sans l’élément juif qui la constitue ? Inversement, quelle est la part de la judéité dans l’œuvre et les réalisations de ces brillants sujets de l’Empire austro-hongrois? Ce sont quelques-unes des questions que ne peut manquer de susciter la lecture d’un ouvrage dans lequel J. Le Rider, en un vaste panorama, présente et analyse ce que la culture européenne doit aux Juifs viennois à la Belle-Époque.

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Dans  « Le monde d’hier »/«Die Welt von Gestern », Stefan Zweig décrit la Vienne d’avant 1914 en ces termes :  « Il n’y avait guère de ville en Europe où l’aspiration à la culture fut plus passionnée qu’à Vienne. Accueillante et douée d’un sens particulier de la réceptivité, cette cité attira à elle les forces les plus disparates: chaque citoyen de cette ville recevait d’elle une éducation qui transcendait les limites nationales, une éducation cosmopolite, une éducation de citoyen du monde ».
Et Zweig définit ainsi la place des Juifs : « par leur amour passionné de cette ville, par leur volonté d’assimilation, ils y étaient parfaitement adaptés, et ils étaient heureux de servir la gloire de l’Autriche ; une bonne part de ce que l’Europe, de ce que l’Amérique admirent aujourd’hui en musique, en littérature, au théâtre, dans les arts appliqués, a été créé par les Juifs de Vienne ».  Une telle évocation ne peut manquer de susciter une vive nostalgie pour ce monde d’avant la Grande Guerre, pour cette capitale de l’Empire des Habsbourg qu’on a pu appeler « la Jérusalem de l’exil »…
Pourtant, cette vision du « miracle viennois » doit être tempérée, sinon contestée. Car si l’émancipation des Juifs d’Europe Centrale au milieu du XIXème siècle leur avait finalement ouvert, au terme d’une foudroyante acculturation, un large accès à un niveau de vie et de culture supérieurs, on peut douter que leur intégration fût aussi parfaitement accomplie et que l’harmonie fût aussi complète. Car l’antisémitisme viennois atteint aussi une virulence qui a conduit les Juifs, même les plus enracinés dans la culture et les mœurs germaniques, à une violente crise d’identité et a rendu finalement leur assimilation impossible.

’essai de J. Le Rider, précis, magistral d’érudition, et qui offre comme une synthèse de ses multiples travaux antérieurs, permet de porter un regard plus objectif sur cette période fascinante et mythique, de nuancer une vision trop irénique, d’introduire quelques notes dissonantes dans cette somptueuse valse d’intelligences judéo-viennoises. 

Carte de l’Empire Austro-Hongrois en 1914

Une égalité tardive

Pour comprendre la problématique et la situation des Juifs viennois, il convient de revenir sur les conditions de leur installation à Vienne. Dans un opportun retour sur le passé, l’ouvrage rappelle, par un utile prologue historique, que la population juive de Vienne est arrivée dans cette cité en vagues successives : ils furent expulsés à plusieurs reprises ; la plus récente de ces expulsions eut lieu en 1670, le jour de Ticha Be Av, date funeste dans la mémoire du peuple juif.
Enfin, les Juifs furent autorisés à revenir à Vienne en 1693. La communauté, tolérée, était, au XVIIIème siècle, dirigée par des Juifs de cour, mais sa croissance restait sévèrement limitée par des mesures restrictives édictées par l’impératrice Marie-Thérèse.
En 1781, l’empereur Joseph II proclama un édit de tolérance, la Toleranzpatent, destiné à transformer les Juifs en sujets utiles à l’Empire, en leur donnant accès aux établissements scolaires et universitaires et en supprimant les entraves professionnelles et fiscales spécifiques auxquelles ils étaient soumis. Les dernières mesures discriminatoires, notamment les restrictions aux mariages, furent abolies en 1859.
La constitution libérale de 1867 émancipa définitivement les Juifs, qui, toutefois, sont reconnus comme confession religieuse et non comme communauté linguistique, à la différence des autres peuples de l’Empire. En échange, les Juifs vont se montrer parmi les plus ardents partisans de l’empereur et roi François-Joseph, et faire preuve d’un attachement indéfectible à l’Empire, ainsi que, pour la majorité d’entre eux, à la langue allemande.

Une population juive en croissance rapide

Se fondant sur des données démographiques chiffrées qu’il décrypte avec finesse, l’auteur met, à juste titre, l’accent sur l’augmentation de la population juive dans la capitale de l’Empire d’Autriche-Hongrie, dés la fin du XVIIIème siècle, à la suite de l’Édit de Tolérance de Joseph II.
La population juive de Vienne s’accroît progressivement au début du XIXème siècle, puis augmente très vite à partir de la fin des années 1850 : il y avait 6217 Juifs à Vienne en 1857 (1,3 % de la population totale), 72543 en 1880 (10 % du total), et 175318 en 1910 (8,6 % du total). Cet accroissement considérable de la population juive de Vienne est dû à une très importante immigration intérieure, provenant principalement des autres provinces de l’Empire, notamment des provinces orientales de Galicie et de Bucovine. En 1880, 30 % seulement des Juifs viennois étaient nés à Vienne. 28 % venaient de Hongrie, et 18 % de la province orientale de Galicie.
À partir de 1881, les pogroms provoquèrent un exode massif des Juifs de Russie qui franchirent la frontière autrichienne à Brody.  Nombre d’entre eux s’établissant à Vienne.

Une communauté hétérogène

A Vienne, ville d’immigration interne à l’Empire, se côtoyaient, sans se mêler, des Juifs de conditions sociales très contrastées. Les Juifs originaires des provinces de l’Est étaient souvent très pauvres, et attachés aux traditions religieuses orthodoxes, en particulier au hassidisme ; ils parlaient yiddish et portaient des vêtements traditionnels. Ils étaient donc bien visibles! et leur arrivée provoqua une crise d’identité chez les Juifs viennois bien enracinés, qui avaient, depuis le milieu du XIXème siècle, commencé à gravir les échelons de la promotion sociale et avaient fini par ne plus se distinguer de la population non-juive majoritaire. Ces Juifs viennois acculturés – parfois de manière récente- ne cachaient pas leur dédain pour leurs coreligionnaires fraîchement arrivés dans la capitale danubienne. Le plus souvent, ils refusaient de s’approcher de ceux qu’ils qualifiaient du terme péjoratif d’Ostjuden/Juifs orientaux.
La confrontation entre Ostjuden et Juifs installés de longue date à Vienne fut une des données structurantes de la vie juive jusqu’à la Shoah. Elle conforta l’attitude de rejet de la judéité dont nombre de Juifs viennois firent preuve et inspira même les œuvres et les discours de certains d’entre eux, jusqu’à les amener à reproduire des stéréotypes antisémites.

Une promotion sociale rapide

L’entrée des Juifs dans la société moderne fut rapide. Son vecteur était la langue allemande. Leur progression dans la hiérarchie sociale fut tout aussi rapide : au cours de la première moitié du XIXème siècle, et en quelques décennies, les Juifs de Vienne se hissèrent au sommet de l’échelle sociale. L’atmosphère libérale qui régnait dans l’Empire, et en particulier l’ouverture des établissements d’enseignement, leur permit de gravir les échelons de la société et de faire preuve d’une aptitude particulière dans les métiers du monde moderne ( professions libérales, industrie, grand commerce, presse). 
Jacques Le Rider livre quelques données statistiques attestant ce dynamisme social exceptionnel. A la fin du XIXème siècle, 30 % des élèves de lycée de Vienne étaient juifs, alors que les Juifs ne représentaient que 10 % de la population; à l’Université, dans certaines facultés, plus de 50 % des étudiants étaient juifs; en 1881, 61% des médecins viennois étaient juifs, et en 1888,  57, 8 % des avocats.
La presse devint un domaine d’élection pour les Juifs,  à la fois patrons de presse et rédacteurs: en 1890, les journalistes juifs représentaient 50% de la profession.

Une grande bourgeoisie, proche du pouvoir impérial

Certaines familles juives établies à Vienne de longue date appartenaient aux couches les plus élevées de la société et jouaient un rôle de premier plan dans la vie économique et le développement du pays. Ainsi, dans la banque, les familles Salomon de Rothschild, Arnstein, Eskeles, Königswarter ; dans l’industrie textile,  les familles Auspitz, Biedermann et Lämel. En échange de cette participation au développement matériel du pays, les capitalistes et entrepreneurs juifs de la monarchie se virent souvent octroyer l’anoblissement. L’Empereur François-Joseph poursuivit une politique délibérée d’anoblissement en faveur des Juifs les plus éminents. La plupart des anoblis étaient certes au préalable convertis, mais la conversion n’était pas une règle absolue et elle l’était surtout pour ceux qui y voyaient un « passeport » pour accéder à certains métiers. Pour la partie germanophone de l’Empire, la Cisleithanie, 450 juifs ont été anoblis entre 1701 et 1918, parmi lesquels 69 % appartenaient à la finance, au commerce ou à l’industrie, comme, par exemple, les ancêtres de l’écrivain Hugo von Hofmannstahl. 

Tableau de Gustav Klimt (1912), commandé par Ferdinand Bloch-Bauer, magnat dans l’industrie du sucre et mécène pour de nombreux artistes viennois. Il représente son épouse, Adele Bloch-Bauer. Spolié par le régime nazi en 1938, le tableau a séjourné jusqu’en 2006 au musée du Belvédère à Vienne. Au terme d’une longue bataille juridique, il a été rendu, avec quelques autres œuvres, à Maria Altmann, nièce du modèle et du commanditaire.

Le petit monde des Ostjuden

A l’inverse, les Juifs originaires des provinces de l’Est vivaient souvent dans des conditions très modestes. Ils se concentraient dans certains quartiers populaires, comme Leopoldstadt, et restaient fidèles aux traditions, notamment au hassidisme, ainsi qu’à la langue yiddish, ce qui révulsait les Juifs viennois de souche, germanophones et embourgeoisés. Le profil emblématique du Juif de l’Est était le colporteur, vendeur ambulant de camelote, qui passait dans les cafés viennois, son baluchon sur le dos. On l’affublait du sobriquet de Handeleh ; il était un repoussoir pour les commerçants antisémites et, surtout,  un sujet de honte pour les Juifs assimilés. Le terme Mauschel, dérivé de Moïse, qu’on trouvera sous la plume de Theodor Herzl, désignait le juif imparfaitement assimilé et parlant allemand avec un accent yiddish, en ces termes péjoratifs :  « pitoyable dans la pauvreté, prétentieux dans la richesse ».

Juifs de l’Est sur la Leopoldstrasse, 1915.

Un attachement fervent à la monarchie autrichienne

La marche des Juifs d’Autriche vers leur émancipation alla de pair avec leur éloignement graduel du judaïsme orthodoxe traditionnel. Les années 1870 furent en Autriche le moment de l’épanouissement du libéralisme. Elles virent le renforcement d’une tendance à la sécularisation de la vie juive, déjà amorcée dés le début du XIXème siècle. A l’instar du judaïsme allemand, le judaïsme autrichien fut influencé par le courant réformé, qui  permit de concilier  identité religieuse et  engagement dans la modernité.
Comme le relève J. Le Rider, le rabbin  Isaak Mannheimer préserva dans le rituel des éléments importants de la tradition, comme l’usage de l’hébreu et la référence à la restauration de l’existence nationale d’Israël, mais il mit en œuvre avec le cantor (‘hazane) Sulzer un style liturgique lyrique qui rapprocha l’exercice du culte dans sa synagogue de certaines pratiques protestantes. Le rabbin Adolf Jellinek, qui lui succèda à partir de 1865, fut un éminent représentant de la Wissenschaft des Judentums, la science du judaïsme. Il plaida sans réserves pour l’alliance du judaïsme et du libéralisme, et, «  présenta le judaïsme contemporain comme un modèle d’humanité entraînant les nations sur la voie du progrès intellectuel et du perfectionnement moral », p.43. Passionnément attaché à l’Empire, méfiant à l’égard des nationalismes qui s’affirmaient de plus en plus et l’affaiblissaient, il écrivit, en 1883,  que « seuls les Juifs sont des Autrichiens, sentent et pensent de manière autrichienne, veulent une grande Autriche forte et puissante ». En s’exprimant ainsi, Jellinek soulignait que c’est le pouvoir impérial qui a émancipé les Juifs, et non les autres nations qui font partie de l’Autriche-Hongrie.
Cependant, le déclin du libéralisme et la montée inexorable de l’antisémitisme à la fin du XIXème siècle rendirent les Juifs autrichiens conscients de leur solitude et révélèrent les limites de leur assimilation.

L’antisémitisme à Vienne, un code social

Les Juifs durent  faire face à l’apparition d’un antisémitisme virulent, qui devint un thème politique fédérateur. A partir des années 1880-1890, un nouvel antisémitisme exacerbé, politique et social apparut et se développa à Vienne ; il devint très rapidement une norme culturelle et sociale qui mit fin à la confiance en l’avenir de nombre de Juifs.
L’antisémitisme en Autriche se développa à partir des années 1880, comme dans les autres pays européens, mais il revêtit une forme particulièrement virulente dans l’empire des Habsbourg. Il obtint un succès politique notable avec le parti chrétien-social de Karl Lueger, et aussi avec le parti pangermaniste de Georg von Schönerer.
L’antisémitisme autrichien trouvait sa source (ou son prétexte) dans la crise économique de 1873, qui ruina nombre d’éléments de la classe moyenne, commerçants et artisans ; un antisémitisme à caractère racial, d’inspiration allemande, vint conforter l’anti-judaïsme traditionnel, fruit de l’enseignement du mépris pratiqué par l’Eglise catholique. 
Karl Lueger, politicien démagogue et opportuniste, exploita le thème de l’antisémitisme pour parvenir au succès politique. Dans ses discours à la rhétorique anti-juive débridée, Lueger dénonçait simultanément les Juifs riches, les Juifs pauvres venus de l’Est, et la presse contrôlée, selon lui, par les Juifs. Lueger se faisait l’avocat des commerçants et artisans ruinés par le capitalisme moderne ; il défendait aussi des valeurs catholiques traditionnelles. Sa démagogie s’avéra payante. Il obtint dés 1895 la majorité au Conseil municipal de Vienne, mais l’empereur François-Joseph, qui s’en méfiait, ne valida sa nomination à la mairie qu’en 1897. S’il modéra son discours après sa nomination, il laissa les dirigeants de son parti déverser leurs discours de haine, et exclut les Juifs des recrutements importants d’employés effectués par la municipalité.

Wilhelm Gause/1904/Bal à l’hôtel de ville de Vienne (Autriche) en présence du maire, Karl Lueger/ Exposé au musée d’histoire de Vienne

L’arrivée de Lueger à la mairie de Vienne, et l’accroissement de l’audience de l’autre parti antisémite, les pangermanistes de von Schönerer, créèrent un climat délétère pour les Juifs.
L’antisémitisme devint un véritable code culturel. Il se manifesta tout particulièrement dans les associations d’étudiants. Depuis les années 1860, les étudiants juifs avaient adhéré aux corporations étudiantes et adopté leurs traditions, comme l’épreuve initiatique obligatoire du duel. Ils se montraient souvent plus habiles au maniement du sabre ou de l’épée que leurs camarades chrétiens. Ils en furent systématiquement exclus à partir des années 1880 au motif qu’ils seraient inaptes à respecter un code d’honneur. Theodor Herzl et Arthur Schnitzler relatèrent avec douleur cette exclusion, qui mit fin à leur démarche d’adoption des marques culturelles du milieu non-juif. 
Cet antisémitisme d’exclusion était désormais fondé sur des principes racistes, il s’appuyait sur les théories  pangermanistes de Houston Stewart Chamberlain. Cet essayiste d’origine britannique, fasciné par la culture allemande et en particulier par les mythes wagnériens ;  dans ses «Grundlagen des 19ten Jahrhunderts »/Fondements du XIXème siècle, il se fit le chantre de la supériorité d’une prétendue race aryenne. Les pangermanistes évoquaient déjà l’Anschluss, l’annexion de l’Autriche germanique par la grande patrie allemande. L’histoire leur donna raison quarante ans plus tard.

Caricature antisémite : « Pas assez de place à l’Université de Vienne »…

Les Juifs ne restèrent pas sans réaction face à cette recrudescence de l’antisémitisme. Joseph Samuel Bloch, rabbin de Floridsdorf, faubourg de Vienne, s’engagea dés 1882 dans le combat contre l’antisémitisme, en particulier dans la dénonciation des accusations de meurtre rituel, comme celle de Tiszaeszlar en Hongrie. Bloch défendait une conception particulière de la nationalité juive au sein du système supranational de l’empire des Habsbourg, une nationalité complémentaire et subsidiaire à la nationalité autrichienne. Bloch poursuivit son combat sur le terrain politique. Élu député libéral dans une circonscription de Galicie occidentale, il s’opposa courageusement, au sein du Parlement,  aux pangermanistes antisémites.

La floraison juive

En dépit de l’adoption de l’antisémitisme comme un code culturel par une partie importante des Viennois, les Juifs de Vienne apportèrent, au tournant du XXème siècle, une contribution déterminante à la culture autrichienne, et, plus généralement, à la civilisation européenne. Les dernières années du XIXème siècle et celles qui précédèrent le premier conflit mondial furent un moment exceptionnel de l’histoire européenne et Vienne accueillit une pléiade de créateurs juifs ou d’origine juive qui donnèrent le jour à des œuvres d’une richesse inégalée.

Café viennois à la Belle Époque

Les fleurs vénéneuses

Pourtant, il y eut à Vienne, à la fin du XIXème siècle, un mouvement affirmé d’assimilation des Juifs viennois à la culture et aux mœurs des Autrichiens chrétiens, allant jusqu’à  une ignorance totale de la tradition religieuse, voire à un rejet, frisant la répulsion, à l’égard des Juifs de l’Est récemment installés à Vienne, ou à l’égard de l’ensemble de la communauté juive. C’est à Vienne que se sont épanouies les fleurs vénéneuses de la haine de soi juive, la jüdische Selbsthass, bien analysée, au début du XXème siècle, par l’écrivain juif allemand Theodor Lessing, et qui est devenue un élément consubstantiel à certains pans de la civilisation juive.
Parmi les intellectuels qui ont adopté cette attitude à l’égard du judaïsme, citons Karl Kraus et Otto Weininger.
Karl Kraus (1874-1936), fut un des plus remarquables satiristes du début du XXème siècle, mais aussi une des figures les plus controversées de la vie intellectuelle viennoise. Il fut un des plus féroces critiques des médias et de la presse, dont le développement était un des traits marquants de la modernité. Il dénonça dans les informations relatées par la presse une véritable « construction médiatique » (p. 207) et instruisit à l’encontre des journaux libéraux un constant procès en manipulation.
Sur la question juive, ses commentaires acérés exprimèrent une stratégie de rupture délibérée avec le conformisme politique et culturel de la bourgeoisie juive viennoise de son temps. En 1898, il publia un pamphlet contre Theodor Herzl  intitulé «Une couronne pour Sion » :  il  y exposa les arguments des partisans de l’assimilation à l’encontre du projet sioniste, considéré comme un projet d’auto-exclusion des Juifs. Kraus se convertit, d’ailleurs, au catholicisme en 1911.
Dans sa revue  Die Fackel/La Torche, il s’en prit avec une étrange violence à l’œuvre du grand poète allemand du début du XIXème siècle, Heinrich Heine, reprenant ainsi un des thèmes favoris de la littérature antisémite pangermaniste. Quand Kraus attaqua sans ménagement la presse viennoise, et tout particulièrement le journal libéral Neue Freie Presse (dont Herzl fut le correspondant à Paris), il eut recours à un discours identique à celui des antisémites qui dénonçaient avec virulence un journal dont le propriétaire, Moritz Benedikt, était juif.
Kraus n’hésita pas à prêter ses colonnes à un adversaire de la cause de Dreyfus, et se trouva de fortes convergences avec la pensée d’Houston Stewart Chamberlain, le théoricien du racisme contemporain. La plume acérée de Kraus se conformait ainsi au code culturel antisémite viennois, en dépit de son mépris affirmé pour toutes les modes, convenances et idées reçues. Toutefois, la personnalité très complexe de Kraus ne pouvait se réduire à la seule jüdische Selbsthass.

Le rejet radical de ses propres origines est une composante encore plus évidente de la pensée et de l’œuvre d’ Otto Weininger (1880-1903). Pour ce jeune Wunderkind, docteur en philosophie à vingt-deux ans, les deux principaux agents de la décadence contemporaine sont la Femme et le Juif. Seul le principe masculin permettait, selon lui, de s’arracher à la sexualité et de se tourner vers l’intelligible, vers l’Absolu, alors que le principe féminin était arrimé à sa fonction sexuelle. Le judaïsme était pour lui irréductiblement féminin, incapable de s’élever vers les plus hautes sphères de la pensée. Le jeune philosophe affirma, dans son œuvre unique, Geschlecht und Charakter/Sexe et Caractère, que la décadence du monde contemporain était liée à la fois « à sa féminisation, et à la judaïsation de la culture et des mœurs », p. 213. 
Chez Weininger, la haine de soi était un conflit intérieur, qui lui permettait  de se dépouiller de ce qui lui restait de judéité pour accéder à une authentique germanité, quintessence de la perfection pour le grand admirateur de Richard Wagner qu’il était.
Hugo von Hofmannstahl (1874-1929) n’avait qu’un grand-père juif. Lui qui fut, avec Rilke, un des plus grands poètes de langue allemande du XXème siècle et un écrivain fécond, auteur notamment de livrets d’opéras mis en musique par Richard Strauss, fut constamment renvoyé par les critiques littéraires à ses lointaines et partielles origines juives, qu’il traitait pourtant avec le plus grand dédain, voire avec une rage non contenue quand des critiques y faisaient référence. Et c’est sans doute cette fureur qui permit de découvrir chez lui un nœud affectif à l’égard de sa lointaine judéité.
Mais tous les intellectuels et créateurs juifs n’entretinrent pas des relations d’hostilité envers leur judéité. Chacun, selon son histoire personnelle et ses choix esthétiques, éthiques ou scientifiques, adopta une attitude distanciée mais finalement pacifiée, en une sorte de kaléidoscope de trajectoires individuelles que compose J. Le Rider dans la seconde partie de son ouvrage. 

Florilège de positions envers le judaïsme

L’attitude d’Arthur Schnitzler (1862-1931) envers sa judéité fut plus nuancée, mais non moins complexe. Il naquit en 1862 dans une famille juive viennoise émancipée. Son père était un médecin réputé, lui-même poursuivit des études de médecine et prit la suite de son père. Schnitzler se définissait comme « Juif, Autrichien, Allemand ». L’expression d’un antisémitisme ouvert, dont il fut le témoin dés les années 1880, le révulsa car elle était  une manifestation de la bassesse humaine, et mettait  en question sa propre identité autrichienne. Jacques Le Rider a souligné que le Journal de celui-ci « permet de suivre au jour le jour sa prise de conscience de son identité juive, son sentiment spontané, le plus souvent véhément, de solidarité avec les Juifs…. », p.152. Quand Theodor Herzl, avant sa prise de conscience de la question juive, lui soumit une de ses œuvres, c’est Schnitzler qui lui conseilla de brosser un portrait plus positif de ses personnages juifs.
Schnitzler garda toutefois une position distanciée à l’égard du particularisme juif. Dans une de ses œuvres majeures, Der Weg ins Freie/ Le chemin vers la sortie (Vienne au crépuscule, dans sa traduction française!),  Schnitzler montre sa gêne, son embarras, quand les Juifs viennois faisaient de leur identité un sujet de conversation. Un des personnages principaux de l’œuvre clame au contraire que « c’est ici sa Heimat (son pays) et non dans je ne sais quelle contrée que certains veulent me persuader de considérer comme mon Vaterland (patrie) », p. 158.
Les personnages juifs du roman vivaient une crise identitaire constamment avivée par l’antisémitisme environnant. Ce fut cet antisémitisme-là qui, dans une de ses œuvres théâtrales majeures (Le Professeur Bernhardi) brisa la carrière professionnelle d’un autre personnage juif, médecin éminent, victime d’une calomnie montée par le parti chrétien-social.
Avec Richard Beer-Hoffmann (1866-1945), se fait jour encore une autre manière de répondre à la crise identitaire des Juifs viennois. Natif de Vienne dans une famille juive fortunée détachée de la religion, comme Schnitzler, il consacra sa vie à la littérature. Bien qu’il nouât des relations d’amitié avec Theodor Herzl dés 1892, Beer-Hoffmann ne fut jamais un militant du sionisme naissant. Son approche du judaïsme, à la fois «  esthétique et subjective » (p. 183), fut très différente de celle de Schnitzler. Son roman La mort de Georges (1900) mit fièrement l’accent sur l’identité juive du personnage principal. Mais cette affirmation était un des aspects du « culte du moi » esthétique qui caractérisait son œuvre. Sa pièce de théâtre Le rêve de Jacob évoqua le thème de l’élection du peuple juif de manière hiératique et intemporelle; le texte de la Genèse était pour l’auteur un facteur d’inspiration poétique et un appui dans sa recherche d’un dialogue avec Dieu. Beer Hoffmann s’efforçait de passer d’une judéité séculière et culturelle à la recherche d’une expérience religieuse.
On est, avec l’affirmation de cette spiritualité juive, bien loin de l’humanisme cosmopolite de Stefan Zweig (1881-1942). Cet écrivain à succès souligna lui-même, dans le Monde d’hier, qu’il a toujours recherché l’universalisme et raisonné en se plaçant au-dessus d’une quelconque identité nationale. Sur le ton de la nostalgie désespérée, il transforma rétrospectivement en âge d’or la période de la monarchie des Habsbourg, et tout particulièrement le règne du bon François-Joseph, l’empereur et roi, souverain de la Cacanie dont parle avec dérision Robert Musil dans l’Homme sans qualités. Si Zweig rejette l’idée d’un nationalisme juif, comme il l’écrivit à Martin Buber, on ne trouva pas sous sa plume les manifestations d’aversion-répulsion à l’égard des Juifs de l’Est dont nombre d’autres intellectuels juifs autrichiens ont fait preuve. Bien au contraire, dans la préface d’un ouvrage consacré au peintre Lilien, il fit l’éloge des « valeurs de race » des Juifs de l’Est, et met l’accent sur la « force esthétique » du sionisme. La tradition juive, évoquée dans la nouvelle Le Chandelier enterré, « restera enterrée dans l’attente d’une hypothétique renaissance » (p.229).
Zweig avait une perception tragique du destin du peuple juif, éternel souffrant voué à la résignation. Sa pièce Jérémie, écrite en 1917, permit de mieux percevoir sa conception de la judéité : considérée le plus souvent, en raison de son sujet, comme la traduction littéraire d’une conscience accrue – ou même d’une première véritable prise de conscience – de son identité juive, ce drame biblique qui évoque le siège de Jérusalem par les Babyloniens,  révèle les ambiguïtés de son identité. Contre son peuple, engagé dans un combat sans espoir, Jérémie défendait le point de vue pacifiste et internationaliste. La question du rapport à l’identité juive ne  cessa plus de se poser à Zweig ; et l’écriture de Jérémie devint aussi pour lui un moyen de tenter de l’élucider, sans que cette élucidation aboutît vraiment.
Dans une lettre de 1917 à Martin Buber, Zweig écrivait que « l’idée que le judaïsme se matérialise sous la forme d’une nation serait pour lui un recul et un renoncement à sa mission la plus haute ». Zweig, citoyen du monde, chantre d’une forme de cosmopolitisme , « aspirait à un idéal de fusion parfaite des Juifs européens dans une civilisation fondée sur les valeurs du néo-humanisme universaliste », p.228.
On ne peut citer Zweig sans faire référence à son ami Joseph Roth (1894-1939), qui ne fut viennois que pendant quelques années. Roth, Juif de Galicie né dans une famille yiddishophone, fut, aux côtés de Zweig, l’autre grand créateur du mythe habsbourgeois. L’auteur de la Marche de Radetzky et de la Crypte des Capucins situait cependant le paradis perdu impérial et royal dans la périphérie de l’empire, et non dans son centre viennois. Comme l’a écrit Claudio Magris, « chez Roth, le mythe habsbourgeois est judéo slave : juive est l’humanité douloureuse, somnolente et clairvoyante de ses personnages les plus réussis, bien différente de l’esprit juif viennois, sceptique et capitaliste. », cité p.239.
Enfin, quelle fut l’attitude du plus universellement célèbre des Juifs  viennois :  Sigmund Freud (1856-1939) ?
Son rapport à la judéité était comparable à celui de Stefan Zweig. Freud, né en 1856 dans une famille originaire de Galicie, se heurta, pendant ses études de médecine, à l’antisémitisme des étudiants pangermanistes. Comme il l’a expliqué dans une lettre envoyée à la loge Bnai Brith de Vienne à laquelle il adhéra en 1897, « ce qui me rattachait au judaïsme n’était pas la foi ni même l’orgueil national, car j’ai été élevé sans religion. J’ai compris que c’est seulement à ma nature de Juif que je devais le s qualités indispensables à ma difficile existence.Parce que j’étais juif, je me suis trouvé libéré de bien des préjugés qui limitent chez les autres l’emploi de leur intelligence ;en tant que Juif, j’étais prêt à passer dans l’opposition, et à renoncer à m’entendre avec la majorité compacte », p.135. Freud mettait ainsi l’accent sur l’apport fécond du sentiment d’altérité ressenti par les Juifs, qui contribuait à développer leur créativité intellectuelle. Jamais Freud ne nia ou ne chercha à occulter son identité juive, dont il se réclamait pour récuser le particularisme germano-autrichien.
Il garda toutefois des distances claires à l’égard du mouvement sioniste. Ainsi, dans une lettre de 1930, adressée à un responsable du mouvement :  « Je ne peux éprouver la moindre sympathie qui fait d’un morceau du mur d’Hérode une relique nationale qui défie les sentiments des habitants du pays », p.141. Freud, penseur de l’universel, eut, comme le note J. Le Rider,  « l’illusion grisante d’avoir « surpassé » son père et dépassé le judaïsme », p.148.
Si jusque là, nous n’avons évoqué que des savants et des écrivains, les Juifs de Vienne apportèrent une contribution essentielle à tous les champs de la création, en particulier à la musique. Et que serait Vienne sans la musique?
L’itinéraire de Gustav Mahler et d’Arnold Schönberg peut être comparé à celui des grands écrivains déjà évoqués, même si l’élément juif est plus difficile à cerner dans une composition musicale que dans des écrits.

Gustav Mahler, portant le fedora, assis à un concert public à Vienne

Mahler (1860-1911), issu d’une famille éloignée des traditions, prit l’œuvre de Richard Wagner en référence au cours de sa formation musicale à Vienne.
Il ne pouvait ignorer l’antisémitisme du maître de Bayreuth, ayant une connaissance approfondie non seulement de ses œuvres musicales mais aussi de ses écrits (Le judaïsme dans la musique). Jeune prodige ambitieux, il se convertit au catholicisme en 1897, ce qui était une condition impérative pour obtenir le poste convoité de directeur de l’Opéra impérial de Vienne. La conversion ne le mit nullement à l’abri d’accusations et de critiques à caractère antisémite, auxquelles il dut faire face pendant toute sa carrière. Toutefois, l’« élément juif » de son inspiration tendait vers l’universel, même si Max Brod voyait dans son œuvre un exemple éminent de la synthèse judéo-allemande.

Schönberg (1874-1951) eut des débuts difficiles, se convertit au protestantisme « la confession de Bach et de Brahms », plus par anticonformisme que par souci pour sa carrière, et choisit le parti de la critique du système culturel viennois en se rapprochant de Karl Kraus. Sa conversion pouvait donc être mise en parallèle avec sa volonté de «  s’affranchir de la dissonance », qui inspirait son œuvre originale. Les antisémites virent dans la musique dodécaphonique un art incompatible avec la culture germano-autrichienne, et Schönberg revint au judaïsme en se convertissant à Paris, à l’Union Libérale Israélite, en 1933. Nombre de ses œuvres ultérieures sont marquées de manière indiscutable par la liturgie juive, par sa réflexion sur la Bible juive, par la Shoah et aussi par la création de l’État d’Israël. 

Arnold Schoenberg au coeur d’un concert-scandale. Caricature publiée dans le journal Die Zeit, le 6 avril 1913.

Autant d’individus, autant de rapports différents et parfois antagonistes avec une identité juive en crise et qui, par là même, s’enrichit de multiples re-définititions.

L’affirmation de l’identité juive : les pionniers du sionisme

Si Vienne au tournant du XXème siècle fut l’épicentre de l’universalisme juif, c’est aussi dans la capitale autrichienne que  fut affirmée à la face du monde l’identité culturelle spécifique du peuple juif, sa dimension nationale, et que les premiers jalons du sionisme furent posés.
Nathan Birnbaum, jeune intellectuel issu d’une famille d’Europe de l’Est, mit en valeur le patrimoine culturel du judaïsme ashkénaze, et en particulier la richesse de la langue yiddish. A l’origine du mot « sionisme », compagnon de Theodor Herzl au début de son projet, il fut l’un des organisateurs du congrès de Czernowitz, qui en 1908, reconnut le yiddish comme une des langues nationales du peuple juif. Il chercha à obtenir pour les Juifs de l’Empire un statut comparable à celui des autres minorités nationales, identifiées sur une base linguistique.
Theodor Herzl, pour sa part, fut très représentatif des contradictions dans lesquelles se débattaient les intellectuels juifs de Vienne, mais il parvint à les dépasser. Avant 1895, comme l’écrit J.Le Rider, Herzl était un intellectuel assimilé participant de la culture allemande, habité par sa vocation de romancier et de dramaturge, qui cherchait à surmonter sa propre crise d’identité et s’interrogeait sur le judaïsme contemporain. A l’instar de Schnitzler et de Freud, Herzl s’inscrivit dans une association d’étudiants, il en  respecta les traditions, y compris le duel, mais il en fut exclu en 1883.

Herzl, « pur » Viennois

Le projet sioniste de Herzl fut le fruit d’une longue maturation et se fondait sur une critique de l’assimilation, vouée à l’échec selon lui en raison de la permanence irréductible de l’antisémitisme. Seul un État juif permettait aux Juifs d’être enfin maîtres de leur destin, et de devenir les acteurs de leur propre histoire. L’itinéraire suivi par Herzl fut l’un des plus paradoxaux qui soit : comment un intellectuel éloigné de la tradition juive, ayant adopté tous les codes culturels de la société viennoise, a-t-il pu devenir l’inspirateur du projet de renaissance de l’État-nation du peuple juif? Comment une personnalité aussi représentative de l’universalisme viennois a-t-elle pu rejeter l’assimilation et consacrer la fin de son existence, avec une énergie hors du commun, à la construction d’un projet politique au départ utopique? La prise de conscience du caractère persistant de l’antisémitisme, et la découverte de la forte identité des masses juives d’Europe de l’Est lui en ont donné les clés.

***

La civilisation judéo-viennoise a brillé de tous ses feux entre 1870 et 1914. La chute de l’Empire, en 1918, et la réduction de l’Autriche aux dimensions d’un petit État en crise, à la suite des traités qui ont mis fin à la première guerre mondiale, ont amoindri l’audience universelle de la grande ville danubienne. Les Juifs, toujours très présents dans la vie viennoise, se sont heurtés, dans les années 1930, à la marche cruelle d’une Histoire qui, lors de l’Anschluss de mars 1938, confirma le caractère de l’antisémitisme. Ceux des Juifs viennois qui ne purent émigrer périrent presque tous dans la Shoah.
La symbiose éphémère de Vienne et de ses Juifs n’est plus aujourd’hui qu’un souvenir.
J. Le Rider en a brossé un portrait vivant et complet. Peut-être conviendra-t-il un jour de s’interroger sur les qualités spécifiques et les prédispositions culturelles qui inclinaient les Juifs de Vienne à se tourner avec tant de ferveur vers l’Universel. Il est probable que les valeurs spécifiques du judaïsme et les qualités intrinsèques de la pensée juive recelaient les prémices d’une telle ouverture sur l’Humanité. Cette recherche reste à mener. Les Juifs de Vienne à la Belle Époque, appelé à être un livre de référence, ne répond pas explicitement à un tel questionnement. Bien qu’il offre une vision complète du moment exceptionnel de la civilisation européenne que fut le moment juif viennois, il ouvre à son lecteur des pistes, qui pourront le conduire à aller encore plus loin dans sa méditation et sa recherche.


Références bibliographiques

L’abondante bibliographie et les nombreuses notes du livre de Jacques Le Rider permettent de découvrir les auteurs, leurs textes, leurs oeuvres…
Néanmoins, nous proposons quatre titres, pour première lecture…
Stefan Zweig, Le monde d’hier : souvenirs d’un Européen,  Titre original : Die Welt von gestern, Traduit de l’allemand par S. Niémetz, Paris, Belfond, 1993.
Avant toute lecture, il vaut la peine de découvrir Vienne à la Belle-Époque à travers le regard d’un de ses écrivains les plus fameux, Stefan Zweig.

William M. Johnston, L’esprit viennois : une histoire intellectuelle et sociale, 1848-1938, Titre original : The Austrian Mind,  Traduit de l’anglais par P.-E. Dauzat, Paris, Presses Universitaires de France, 1991, Collection « Perspectives Critiques ».
Recension de cet ouvrage par Michaud Claude : William M. Johnston, L’esprit viennois. Une histoire intellectuelle et sociale (1848-1938) in Annales : Economies, sociétés, civilisations, 43e année, N. 1, 1988, p. 204-208.

Jacques Le Rider, Modernité viennoise et crises de l’identité, Paris, PUF, 1990, Collection « Perspectives Critiques ».
Voici comment l’auteur présente son travail : « De la fin du XIXe siècle à l’Anschluss de 1938, Vienne fut la capitale d’un des plus grands empires européens, une métropole de la modernité, à la fois à l’avant-garde de l’Europe occidentale et creuset des peuples d’Europe centrale. Grâce à cette interculturalité productive, Vienne fut un terrain fertile en génies dans tous les domaines : littérature (de Hofmannsthal à Schnitzler, à Karl Kraus et à Musil); arts plastiques (de Klimt aux expressionnistes Schiele et Kokoschka) ; musique (de Gustav Mahler à Arnold Schönberg); sciences (de la psychanalyse freudienne à Wittgenstein). Mais Vienne, dès cette époque, a préfiguré les principales pathologies du XXe siècle : l’antiféminisme, l’exacerbation des nationalismes, l’antisémitisme (auquel répond le sionisme politique de Theodor Herzl), la peur et la haine de la modernisation, le militarisme. C’est ce double visage de Vienne, entre la Belle Époque, la Grande Guerre et les années 1920, que j’ai représenté dans cette fresque d’histoire culturelle. »

Carl E. Schorske, Vienne fin de siècle : Politique et culture (1961), Titre original : Fin-de-Siècle Vienna, Traduit de l’américain par Y. Thoraval, Paris, Seuil, 1983.
Recension de cet ouvrage par Michel Bernard : Carl E. Schorske, Fin-de-Siècle Vienna : Politics and Culture in Annales : Economies, sociétés, civilisations, 39e année, N. 1, 1984, p. 206-208.

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